Faute de majorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre François Bayrou a choisi lundi 3 février d’avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans le vote des députés les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, entrés dans leur dernière phase d’adoption après l’accord en commission mixte paritaire scellé vendredi 31 janvier. Dans la foulée, deux motions de censure ont été déposées par La France Insoumise, soutenue par les groupes écologiste et communiste. Elles seront débattues mercredi 5 janvier et ont peu de chance de faire chuter le gouvernement, Parti socialiste et Rassemblement national ayant annoncé qu’ils ne censureront pas François Bayrou.
Faute de majorité à l’Assemblée, le Premier ministre François Bayrou a dégainé lundi, à deux reprises, l’article 49.3 pour faire adopter sans vote les budgets 2025 de l’Etat et de la Sécurité sociale, entrés dans leur dernière phase d’adoption après l’accord de la commission mixte paritaire scellé vendredi.
François Bayrou, qui activait cet article de la Constitution pour la première fois de son mandat à Matignon, a justifié ce recours par la nécessité de sortir de « l’impasse » engendrée par la censure du gouvernement de Michel Barnier, le 4 décembre 2024. Pour rappel, cette censure avait été votée suite au déclenchement d’un 49.3 par le Premier ministre sur le projet de loi de finances…
Hier, dans la foulée de la décision de François Bayrou de passer en force sur le budget, et donc d’engager la responsabilité de son gouvernement, le groupe parlementaire de La France insoumise a annoncé le dépôt de deux motions de censure (voir ici et là). Celles-ci seront débattues mercredi après-midi. Pour être adoptées, elles devraient être votées à la majorité absolue (289 députés) de l’Assemblée nationale.
Après avoir résisté à une première motion de censure dans la foulée de sa déclaration de politique générale, François Bayrou se retrouve de nouveau dans le viseur des députés. Le Premier ministre, qui a dramatisé la situation hier à l’Assemblée en parlant d’une semaine de « vérité et de responsabilité« , peut compter sur le soutien des groupes du « socle commun » : Ensemble pour la République (95 députés), la Droite républicaine (47), les Démocrates (36) et Horizons (33).
Le groupe centriste Liot (23) ne devrait pas non plus voter les censures et restera sur sa position, déjà exprimée en janvier, de « ne pas ajouter du chaos au chaos » a déclaré hier sur BFMTV le député Charles de Courson, l’un des chefs de file du groupe.
Le RN ne censurera pas
À l’origine du dépôt de la motion de censure contre François Bayrou, les 71 députés de La France insoumise la voteront. Ils seront rejoints par Les Écologistes (38 députés) et les élus du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (17 députés), dont font partie les deux députés guyanais.
Pour avoir une chance de censurer le gouvernement, ces groupes auront besoin du soutien du Parti socialiste (66 députés) et du Rassemblement national, en position de force au Palais Bourbon avec 124 députés, sur lesquels s’alignent régulièrement les 16 députés du groupe Union des droites pour la République (UDR) emmené par Eric Ciotti, proche idéologiquement du RN.
Ce mardi, sur Europe 1 et CNews, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a laissé entendre que son parti ne votera pas la censure sur le budget pour ne pas aggraver l’ »instabilité » politique du pays. Se disant « résolument opposé » à ce « mauvais » budget, qui « demande des efforts toujours aux mêmes et ne fait pas les bonnes économies », l’eurodéputé estime toutefois que « la censure, c’est l’arme nucléaire sur le plan institutionnel, qui doit être utilisée pour protéger le pays ». « C’est un choix de responsabilité » justifie-t-il, ajoutant que la décision « sera définitivement actée demain », à quelques heures de l’examen des motions de censure.
« Beaucoup de nos compatriotes, alors que l’année 2025 est engagée, sont extrêmement inquiets d’une instabilité qui pourrait s’installer dans la durée » a aussi déclaré Jordan Bardella, soulignant en outre que cette censure n’avait aucune chance d’être adoptée après le refus des socialistes de la voter.
La gauche divisée
En effet, le bureau national du PS a annoncé lundi que le groupe ne votera pas la motion de censure. S’ils ont voté en commission mixte paritaire contre le budget qu’ils jugent « de droite« , les députés PS ont décidé de ne pas censurer le gouvernement de François Bayrou par « esprit de responsabilité » dans un moment « où la France attend de disposer d’un budget« .
« Nous avons choisi, non pas de soutenir le gouvernement, mais de ne pas pratiquer la politique du pire » a justifié ce mardi sur les ondes de France Inter Olivier Faure, premier secrétaire du parti à la rose. « Il n’y a aucune bienveillance vis-à-vis de ce gouvernement, mais il y a un attachement à l’intérêt général, celui du pays, pour doter la France d’un budget, lui permettre de continuer à travailler. »
Une position qui divise au sein du Nouveau Front populaire (NFP). Les insoumis, sans retenir leurs coups, ont tout de suite accusé le PS de trahir l’union de la gauche à l’Assemblée. « Le NFP est réduit d’un parti » a même écrit sur son blog Jean-Luc Mélenchon. « Ce n’est pas simplement en ayant toujours le sentiment d’être dans une forme de pureté idéologique, qui en réalité ne mène nulle part, que nous avancerons » a rétorqué Olivier Faure sur France Inter, appelant les gauches incarnées par Jean-Luc Mélenchon et François Hollande à se réconcilier.
L’accord électoral scellé à gauche lors des législatives anticipées de juin 2024 semble avoir fait son temps. C’est en effet la deuxième fois que les socialistes se refusent à censurer François Bayrou depuis sa nomination à Matignon. La stratégie du Premier ministre de former à l’Assemblée nationale un « arc républicain » allant de la droite républicaine aux socialistes semble porter ses fruits.
Mercredi, si le gouvernement reste en place en cas d’échec de ces tentatives de le faire chuter, François Bayrou devrait remonter à la tribune de l’Assemblée nationale pour déclencher un troisième 49.3 sur la deuxième partie du budget de la « Sécu », avant un quatrième, possiblement vendredi, sur la troisième partie du PLFSS, pour définitivement doter le pays de budgets pour 2025.
Photo de Une : sauf énorme surprise, le gouvernement Bayrou ne devrait pas être censuré sur le budget après le déclenchement du 49.3 par le Premier ministre ce lundi © Assemblée nationale