André-Marc Belvon
Dès la fin du XIXe siècle, les Martiniquais ont pu se faire une raison : il ne fallait pas compter sur la mangouste pour venir à bout de la prolifération des serpents. • IMAGE EXTRAITE « LE MÉMORIAL MARTINIQUAIS »
Le Bothrops lanceolatus ou trigonocéphale est une espèce endémique à la Martinique. On en trouve un cousin à Sainte-Lucie. Dès 1672, le Révérend Père Du Tertre donnait une explication à l’amer privilège que nous avons de vivre avec lui sur notre territoire. Après quelques premières tentatives pour l’éradiquer, vint en 1894 l’introduction de la mangouste en provenance des Indes. Mais l’animal, qui va préfrérer les poules et les oiseaux aux serpents, ne va guère répondre aux espoirs que les Martiniquais avaient mis en lui. S’il n’a pas éradiqué la présence du trigonocéphale, on lui doit cependant d’en avoir limité quelque peu le nombre.
«Monsieur Anatole annonça au public qu’on allait
lui offrir le clou du spectacle : un trigonocéphale jaune contre “
Titine ” une mangouste engraissée (…). Ce duel qui suivit, mes
amis ! (…) Titine, aussi vive qu’un jet de lumière, parvint à
saisir le cou du serpent (…). Ses os craquèrent ».
Cette séquence d’un combat de mangouste et de
serpent, contée par François Kichenassamy dans « Les extravagances
de Titine la mangouste » (1), combien de spectateurs lors de fêtes
patronales, ou de touristes dans des « pitts » l’ont vécue ! Mais
lors de ces affrontements organisés entre les deux ennemis
héréditaires, la mangouste l’emporte en moyenne deux fois sur
trois. Car la mangouste, contrairement à une croyance populaire,
n’est pas immunisée contre le venin du trigonocéphale. Dans
l’édition de France-Antilles du jeudi 3 août 1978, le
Révérend Père Pinchon, connu pour ses travaux sur la flore et la
faune aux Antilles, dont un musée porte aujourd’hui le nom en
Martinique, rappelait : « Il est faux de parler d’immunité, et
tous ceux qui ont organisé des combats savent bien qu’une mangouste
atteinte profondément est condamnée sans rémission. En 10 minutes,
l’action du venin se fait sentir : la paralysie du train arrière
gagne peu à peu et, après quelques soubresauts, la mangouste meurt.
En revanche, si la morsure est superficielle, la mangouste
présentera une enflure locale qui se résorbera assez vite et
n’entraînera aucune conséquence ».
Une chose est sûre, dès la fin du XIXe
siécle, les Martiniquais ont pu se faire une raison : après
d’autres projets restés sans suite et d’autres échecs (lire
hors-texte), il ne fallait pas compter sur la mangouste « que
fit venir des Indes en 1894 un notable du pays, Octave
Hayot », écrit Jérôme Duhamel dans « Le Mémorial
Martiniquais » (2), pour espérer une extinction du Bothrops
lanceolatus dont…