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Loan Léton, licencié pour avoir envoyé un Gif : une affaire bien plus complexe

23 October 2024
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Le 9 octobre, Loan Léton a été licencié de son poste de conseiller clientèle pour avoir utilisé un GIF concernant la direction lors d'une conversation Teams. Soutenu par la CGT, il pense qu'il s'agit d'un prétexte pour dissuader d'autres employés de s'exprimer sur les conditions de travail vécues par les salariés de l'entreprise.

Loan Léton, un jeune homme de 23 ans d'origine antillaise, était employé à Concentrix, une entreprise spécialisée dans la gestion de la relation client, à Compiègne, avant d'être licencié pour faute grave le 9 octobre. La raison officielle ? Un GIF (une image animée) envoyé lors d'une conversation Teams entre employés et ressources humaines, considéré comme un manque de professionnalisme par la direction. Ce motif, bien que surprenant, semble matérialiser une tension plus profonde entre les salariés et la direction. Loan Léton et Manon Mathieu, représentante de la CGT, se sont exprimés sur cette situation insolite.

Un message mal reçu 

Bien intégré dans son rôle de conseiller clientèle, Loan appréciait son travail : « J'aimais ce poste car je ne devais pas appeler les clients ; c'étaient plutôt eux qui nous contactaient pour divers problèmes. Cela demandait une certaine polyvalence, compétence que j'avais développée durant mon contrat. » Par ailleurs, le 26 septembre, la direction aurait annoncé que les salaires ne seraient pas versés à temps, ce qui a conduit à une discussion Teams où des employés en colère ont exprimé leur mécontentement. Pour apaiser la situation, Loan a envoyé un GIF d'Homer Simpson disparaissant derrière une haie, illustrant selon lui la réaction des RH. « Je voulais détendre l'atmosphère. Certains de mes collègues devenaient très virulents. Ce GIF était une manière de montrer que la situation n'était pas bien gérée. »

Le Gif en question

Une réaction disproportionnée ?

Suite à cela, Loan a été interpellé le 4 octobre par sa supérieure : celle-ci lui a expliqué que sa communication n'était pas professionnelle. « Discuter du fait de devoir manger du pain et de l'eau le week-end ne pose pas de problème, mais mon message sur les RH n'était pas acceptable. » Cette réaction interroge, lorsque l'on sait que Loan n'avait pas posé de problème jusque-là. De plus, ce type de communication serait courant dans l'entreprise : « Il y a de nombreux jeunes, tant parmi les agents que les encadrants, qui utilisent des GIF. »

Des raisons antérieures ?

Pour Loan et la CGT, cette histoire de GIF n'est qu'un prétexte, masquant des raisons de licenciement plus obscures : « Je pense que la direction a décidé de me licencier parce que j'ai témoigné via un Cerfa anonyme sur les risques psychosociaux dans l'entreprise et que j'ai manifesté auprès de la CGT concernant les salaires. Ces faits datent d'avant l'histoire du GIF, » confie Loan. C'est à partir de ces événements que la direction aurait changé d'attitude envers lui et sa compagne, également employée dans l'entreprise : « Ils sont devenus plus distants, surtout après les manifestations de mars (de la CGT) pour des augmentations de salaires. »

"Beaucoup ont peur de témoigner"

Le jeune homme pense que son licenciement servirait d'exemple pour instaurer un climat de peur parmi les employés, les dissuadant ainsi de s'exprimer : « Beaucoup de personnes ont peur de témoigner aujourd'hui car elles craignent pour leur emploi. Étant donné que je n'avais pas peur de parler, j'ai été licencié pour faute grave. Je pense qu'ils utilisent mon cas pour décourager les autres. » Manon Mathieu, élue CGT et membre de la commission de santé et sécurité au travail, soutient cette idée : « Loan a été pris pour exemple afin de faire taire les autres salariés. Cela montre que s'ils pointent des problèmes et des risques psychosociaux, ils peuvent être licenciés pour des motifs aussi futiles que celui évoqué pour Loan. »

"On m'a comparé à Omar Sy"

Ils soulignent tous les deux les conditions difficiles auxquelles de nombreux employés sont confrontés au quotidien sur les différents plateaux de travail : « burn-out, dépression, et remarques désobligeantes affectant leur confiance en eux. Il y a aussi du harcèlement, que ce soit sexuel ou sexiste. De nombreux cas de dépression et de troubles du sommeil sont liés à la pression au travail. »

La syndiquée déplore des conditions quasi dictatoriales et restrictives : « Les supérieurs surveillent chaque geste et les échanges entre collègues. On nous infantilise, » et dénonce également un système de conditionnement qui maintiendrait les employés dans une position d'infériorité : « Les CDD doivent se tenir à carreau, craignant que leur contrat ne soit pas renouvelé. On m'a même dit que certains se sentent conditionnés. » En plus de son témoignage initial, Loan mentionne des remarques xénophobes qu'il aurait subies dans la structure : « On m'a comparé à Omar Sy, à Lou Vega. J'ai même reçu des critiques sur ma tenue vestimentaire, simplement parce qu'un jour, je portais un pantalon de survêtement. »

Avec un tel contexte de travail anxiogène, le syndicat avait fait appel à un expert pour analyser les risques psychosociaux de l'entreprise en début d'année : « Un expert neutre, venant d'un cabinet externe, puisse identifier ce qui doit être amélioré pour favoriser des conditions de travail plus saines. Ce qui a été contesté par la direction, qui nous a assignés en justice. C'est d'ailleurs dans ce cadre que Loan a témoigné et qu'il se retrouve aujourd'hui licencié pour un motif abusif, tout comme deux autres collègues ayant également témoigné. »

"J'aimerais que justice soit faite"

Loan Léton réfléchit à son avenir, mais reste perplexe : « J'aimerais retrouver mon travail, car j'aimais ce que je faisais, mais pas dans les mêmes conditions avec la même direction. » Soutenu par la CGT, il envisage de saisir les prud'hommes : « J'attends des réponses sur les vraies raisons de mon licenciement, ainsi que des indemnités. Cette expérience est difficile, et je me retrouve sans emploi, dépendant du salaire de ma compagne. J'aimerais vraiment obtenir des réponses et que justice soit faite. »

Pour l'heure, l'entreprise Concentrix ne s'est pas encore exprimée auprès de notre rédaction.