Comme convenu lors du protocole signé à Fort-de-France sans le RPPRAC, le gouvernement a programmé une baisse de la TVA sur des produits de première nécessité en Martinique et en Guadeloupe. Dans des conditions qui sont loin de satisfaire les élus et surtout dans une loi de finances à l'avenir très incertain.
«On n'est pas sortis de l'auberge ! » Lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale, le député (GDR) de Martinique, Marcellin Nadeau, arbore la mine des mauvais jours. Aux côtés de ses collègues de l'Hexagone et de la Réunion, il tente d'alerter l'opinion publique nationale sur « la situation en Martinique, en voie d'enlisement, avec une activité économique plombée et une répression farouche ! »
À la toute fin de la semaine dernière, pourtant, des amendements à la loi de finances pour 2025 ont été adoptés : ils sont censés traduire dans les faits les engagements pris par l'État, les socioprofessionnels et les élus dans le protocole d'objectifs signé à Fort-de-France. L'un de ces amendements, qui émane du gouvernement, précise que « la TVA [sera ajustée] pour certains produits » de première nécessité « (PPN), qui seront eux-mêmes exonérés temporairement d'octroi de mer par la CTM, afin d'accompagner ainsi l'effort de la CTM. » Cet amendement est aussi la conséquence d'un engagement personnel du chef du gouvernement Michel Barnier auprès du président de la CTM, Serge Letchimy.
Pas de quoi convaincre les élus martiniquais : « Cet amendement prévoit une péréquation, c'est-à-dire que la taxe sera reportée sur certains produits qui ne sont pas taxés actuellement. L'alimentaire ne représente que 14% du budget des ménages martiniquais, ces derniers craignent donc logiquement que les autres produits n'augmentent fortement », s'inquiète le député Nadeau.
Une situation « en voie d'enlisement »
Avec deux autres parlementaires antillais - l'élu de Guadeloupe Christian Baptiste et son collègue de Martinique, Jiovanny William - la députée Béatrice Bellay a bien tenté d'échapper à cette péréquation. « Ce que l'État ôte d'un côté, il le récupère de l'autre en taxant des produits et des aliments qui étaient jusqu'ici exonérés de TVA, dénonce Béatrice Bellay. Ce que nous avons fait adopter, c'est un amendement qui supprime purement et simplement la TVA sur les produits de première nécessité, dans tous les Outre-mer », explique-t-elle aujourd'hui.
Problème : bien qu'il ait été voté, l'amendement de Jiovanny William, Christian Baptiste et Béatrice Bellay ne figurera certainement pas dans la version finale du Budget 2025. Bien qu'il ne dispose pas d'une majorité à l'Assemblée nationale, le gouvernement a sous la main plusieurs outils pour fabriquer une loi de finances qui lui convienne exactement.
« L'examen de la loi de finances est très encadré sur le plan constitutionnel, notamment au niveau des délais, précise la députée (GDR) de La Réunion Emeline K/Bidi. Si les assemblées ne parviennent pas à examiner le texte dans les délais impartis, soit avant le 21 novembre pour ses deux parties, le gouvernement va reprendre la main et peut faire le choix de légiférer par ordonnances. » Et même si ce cas extrême ne se produit pas, l'utilisation très probable de l'article 49-3 de la Constitution permet au gouvernement de ne conserver que les amendements dont il est l'auteur.
Pour la seule première partie de la loi de finances - les crédits de la « mission Outre-mer » figurent par exemple dans le deuxième volet du Budget, soit les dépenses - il reste aux députés 1107 amendements à examiner. De quoi assombrir encore l'humeur du député Nadeau qui n'est décidément « pas sorti de l'auberge ».
Julien Sartre
Serva : « Sans vouloir vous mettre la pression, Monsieur le ministre ! »
« Pouvez-vous me préciser quels produits seront frappés par la TVA et à quel prix ? » En s'adressant directement au ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, le député (LIOT) de Guadeloupe Olivier Serva entendait obtenir « des réponses précises » et savoir « pourquoi le gouvernement regarde ailleurs, alors que la maison brûle et que la situation est explosive en Guadeloupe, en Martinique mais aussi en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte ! »
Le parlementaire guadeloupéen profitait également de la séance des questions au gouvernement de ce mardi pour relayer l'indignation de nombre de ses collègues quant au fait que le ministre des Outre-mer ne se soit pas rendu aux Antilles depuis le début de la crise actuelle. Et concluait sa question d'un ironique, « sans vouloir vous mettre la pression, Monsieur le ministre ! »
Agacé, François-Noël Buffet a affirmé « ne pas comprendre pourquoi [le député Olivier Serva] affirme que le gouvernement ne fait rien ! Alors qu'en ce qui concerne la Martinique, nous avons conclu un accord, avec l'appui du préfet et de la CTM. Il s'agit de réduire les taux d'octroi de mer et de TVA : 6 000 produits de première nécessité et 69 familles de produits sont concernés. Il est prévu qu'au 1er janvier prochain les prix de ces produits baissent de 20%. »