Vie chère : « Une conséquence du modèle économique, de l’économie de comptoir »
M.B.
Christophe Girardier, auteur de plusieurs rapports sur le marché de la distribution de détail en Outre-mer dénonce " le gigantisme et la concentration économique " à l'œuvre dans ces territoires. Il était sollicité par les élus membres de la délégation sénatoriale aux Outre-mer dans le cadre d'une " étude de lutte contre la vie chère ".
Après l'Assemblée et le rapport très remarqué du désormais ancien député martiniquais Johnny Hajjar, les sénateurs aussi s'attaquent à la vie chère. Ils se sont réunis hier jeudi 14 novembre en " étude de lutte " contre ce fléau - un format qui aboutira à la publication d'un rapport.
Les parlementaires ont commencé leur travail par l'audition d'un consultant, spécialiste de la concurrence et du marché de la grande distribution dans l'Outre-mer.
Tout en détaillant le programme des auditions à venir, la présidente de la délégation aux Outre-mer et sénatrice (Les Républicains, LR) de Saint-Barthélemy, Micheline Jacques, rappelait que " la vie chère est l'une des principales causes des explosions sociales dans les Outre-mer et ceci de manière récurrente. Les récents évènements en Martinique en sont une parfaite illustration : le fait que l'accord signé le 16 octobre dernier ne soit pas parvenu à ramener le calme nous incite à nous interroger toujours davantage ".
L'économie de comptoir pointée du doigt
Questionné par la sénatrice Jacques sur les raisons profondes du différentiel de prix – notamment sur les produits alimentaires -, entre les collectivités ultramarines et la métropole, le consultant Christophe Girardier n'a pas mâché ses mots. " Non, la vie chère ne peut pas s'expliquer par l'insularité et les frais d'approche : c'est bien plutôt la conséquence d'un modèle économique, le vieux système qu'on appelle l'économie de comptoir et qui consiste à monopoliser les richesses qui arrivent au port. Ce modèle est par essence même concentrateur. "
" Même si les causes en sont historiques et qu'on peut remonter jusqu'à la période esclavagiste, ce n'est pas une fatalité ", veut tout de même croire Christophe Girardier. Le spécialiste a une préconisation qu'il estime particulièrement indispensable et urgente - étant entendu que dans les Outre-mer, les surfaces de vente sont particulièrement étendues, y compris par rapport aux super et hypermarchés de l'Hexagone et même d'Europe - il propose " un moratoire sur l'ouverture de tout établissement supérieur à 2 000 mètres carré. Si le législateur le souhaite, il est possible de mettre un frein à ce modèle de la grande distribution, poussé à son paroxysme dans les Outre-mer, des territoires qui n'étaient pas prêts pour ce gigantisme et cette concentration économique. "
Tout en remerciant l'expert pour sa parole et ses propositions, la sénatrice Micheline Jacques prépare déjà la suite du travail des sénateurs autour de " l'étude de lutte contre la vie chère ".
Des groupes de travail ont été formés par les parlementaires. Ils s'attaqueront au surcoût des pièces automobiles, aux prix trop élevés du fret aérien et enfin à l'inflation qui touche les " produits du quotidien ".