"Nous sommes contents, la dictature est terminée, Assad est parti!", lance Ahmed, 39 ans dans la foule. Plusieurs centaines de Syriens d'Allemagne, la plus grande diaspora de leur pays dans l'Union européenne, ont fêté dimanche dans la rue la chute du régime.
"Tous les Syriens sont maintenant ensemble", ajoute ce technicien des chemins de fer, qui a fui Alep en 2015, mais préfère ne pas divulguer son nom de famille.
Au son des klaxons de voitures et en agitant des drapeaux vert, blanc, noir et rouge aux couleurs de l'opposition syrienne, plusieurs dizaines de personnes ont commencé très tôt dimanche à défiler spontanément sur une avenue du quartier populaire de Neukölln à Berlin, où vivent de nombreux migrants, avant de converger sur une place du quartier voisin de Kreuzberg pour une manifestation qui a rassemblé quelque 2.000 personnes selon la police.
Soulagement
L'ambiance est à l'allégresse, beaucoup font le "V" de la victoire en chantant. Ils sont venus en famille et les enfants ont le visage peints aux couleurs nationales de la Syrie. Le soulagement se devine.
Des cris "Allah akbar !" ("Dieu est le plus grand !"), retentissent aussi dans la foule.
"Enfin ce gouvernement est tombé", dit Ahmad al-Hallabi, 27 ans, qui laisse éclater sa joie, accompagné de ses deux enfants à Neukölln. "Il y a dix ans, j'étais en Syrie et j'ai vu des choses que personne ne devrait voir, des choses que l'on oublie pas", dit ce mécanicien, originaire d'Alep.
L'Allemagne compte plus d'un million de réfugiés syriens arrivés après le déclenchement de la guerre civile en 2011, avec une importante communauté installée à Berlin.
"Assad est le plus grand terroriste que l'on puisse imaginer", ajoute Ahmad al-Hallabi, cet homme qui a fui la Syrie en passant par la Turquie et la Grèce en 2015.
"J'espère la paix et que tout ce qu'Assad et ses gens ont détruit soit reconstruit", veut-il croire.
Inquiétudes
Le gouvernement allemand a lancé à ce propos dimanche une mise en garde.
"Le pays ne doit pas maintenant tomber entre les mains d'autres radicaux, quelle que soit la forme qu'ils prennent", a déclaré la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, au lendemain de la fin d'un demi-siècle de règne du clan Assad après une offensive fulgurante des rebelles.
Le chancelier Olaf Scholz a parlé d'"une bonne nouvelle", dénonçant l'oppression "brutale" du régime Assad.
Anwar al-Bunni, avocat syrien réfugié en Allemagne, rencontré à Berlin par l'AFP juste avant la chute du régime à Damas, en sait quelque chose.
Emprisonné pendant cinq ans dans les geôles syriennes, il a contribué à ce qu'en janvier 2022 la justice allemande condamne un ancien colonel syrien à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, dans le premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad.
Anwar Raslan, 58 ans, a été jugé coupable du meurtre de 27 prisonniers et de la torture d'au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib de Damas. Anwar al-Bunni l'avait reconnu dans la rue à Berlin.
Originaire de Hama, théâtre d'un massacre perpétré en 1982 par l'armée sous le règne du père du président Bachar al-Assad, il se dit "pas du tout surpris" par l'offensive éclair de la coalition de rebelles menée par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS).
"Je savais que ce moment allait arriver et que le peuple syrien qui demande la liberté allait l'obtenir", dit cet homme qui a consacré sa vie à défendre les droits humains, en Syrie d'abord puis en Allemagne où il est réfugié depuis 2014.
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