Au lendemain de sa nomination, Bayrou entame ses consultations à Matignon
François Bayrou a entamé samedi ses consultations en vue de constituer un gouvernement avec les présidents du Parlement et des personnalités du monde économique, mais ses débuts à Matignon sont bousculés par le passage dévastateur du cyclone tropical Chido à Mayotte.
Le Premier ministre a participé samedi soir à une réunion interministérielle de crise qu'il a convoquée avec le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, sur la situation dans l'archipel.
"Les services de l'Etat sont présents et organisés" face à un cyclone "d'une violence inattendue", a déclaré M. Bayrou à l'issue de cette réunion. "C'est une situation qui est dramatique, qui est absolument exceptionnelle", avec un bilan humain qui pourrait être "lourd", mais "l'Etat est debout", a assuré à ses côtés M. Retailleau.
M. Bayrou a reçu samedi le premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, le préfet d'Ile-de-France Marc Guillaume, la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat Gérard Larcher, au lendemain de sa nomination à Matignon, à la suite de Michel Barnier (LR), victime d'une motion de censure trois mois après son arrivée.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s'est aussi entretenu avec le chef du gouvernement, après la dégradation de la note souveraine de la France dans la nuit de vendredi à samedi par l'agence de notation Moody's qui redoute que la "fragmentation politique" du pays soit peu propice au rétablissement rapide des finances publiques.
Lors de la traditionnelle passation vendredi, François Bayrou a d'emblée évoqué le sujet du déficit et de la dette, "une question qui pose un problème moral".
Son premier défi sera de doter la France d'un budget pour l'an prochain, avec une Assemblée nationale toujours sans majorité.
Assurant ne rien ignorer "de l'Himalaya qui se dresse devant nous, des difficultés de toute nature", il a promis de "ne rien cacher, ne rien négliger et ne rien laisser de côté".
Le Premier ministre, âgé de 73 ans, doit maintenant s'atteler à la composition de son gouvernement, qu'il veut compact et dominé par des personnalités d'expérience.
"A priori de censure"
Il doit s'accommoder d'une Assemblée qui peut le faire tomber si les voix de la gauche s'unissent à celles du Rassemblement national, comme lors de la motion qui a mis fin au bail de Michel Barnier.
Le président du RN, Jordan Bardella, l'a d'ailleurs prévenu sur X: le chef du gouvernement sera "sous la surveillance" du Parlement et "du premier groupe de députés à l'Assemblée nationale", celui de son parti.
Il a réclamé que le RN, exclu d'une réunion avec le chef de l'Etat mardi, soit "rapidement" reçu par le Premier ministre, et rappelé ses "lignes rouges", que ce soit sur le "pouvoir d'achat", la sécurité ou encore la proportionnelle.
Selon l'entourage de M. Bayrou, il devrait appeler les chefs de groupe durant le week-end, avant des consultations formelles en début de semaine, son idée étant "d'aller vite" pour former son gouvernement.
L'ancien ministre de la Santé et député (Horizons) Frédéric Valletoux l'a toutefois appelé sur France 2 à prendre "le temps de définir une feuille de route" avant de composer son équipe.
Le Nouveau Front populaire, qui a d'ores et déjà annoncé qu'il ne participerait pas au gouvernement, se divise sur son attitude vis-à-vis du nouvel occupant de Matignon. LFI déposera ainsi dès que possible une motion de censure, probablement après la déclaration de politique générale de M. Bayrou.
Pour sa part, la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier a affirmé samedi qu'elle ne souhaitait pas "censurer a priori" le gouvernement de M. Bayrou, mais qu'elle commençait déjà "à avoir des a priori de censure".
A droite, Les Républicains ont conditionné leur participation au gouvernement au "projet" que leur présentera le nouveau Premier ministre.
Vendredi soir à Matignon, M. Bayrou a d'ailleurs reçu le ministre LR de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau, pour évoquer "la sécurité", dont celle du pape en Corse dimanche, ou encore la situation à Mayotte.
Son profil très droitier cristallise l'agacement à gauche. Dans un entretien au Parisien, le patron du PS Olivier Faure a prévenu qu'il censurerait le gouvernement s'il présentait une nouvelle loi immigration, reprenant les dispositions écartées par le Conseil constitutionnel dans la précédente, comme le propose Bruno Retailleau.
Ce dernier peut-il rester à Beauvau ? "Il le peut. Est-ce qu’il le doit ? Non", a répondu M. Faure.
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