« Nous menons une action forte et globale pour que l’image de Saint-Martin soit protégée »

Quel message souhaitez-vous adresser aux visiteurs et aux acteurs du tourisme inquiets pour leur sécurité ?

Comme partout ailleurs en France, Saint-Martin doit lutter contre des actes de délinquance graves, pour les mêmes raisons que partout ailleurs : la misère sociale, des familles décomposées, des enfants livrés à eux-mêmes, l'absence de piliers éducatifs et de valeurs dans le foyer, l'errance scolaire... Nous pouvons aller loin dans la digression.

Les pouvoirs publics doivent trouver des réponses à ces manquements, notamment à

travers des dispositifs efficaces, qu'ils soient préventifs, répressifs ou sécuritaires.

Dans son rôle préventif, la collectivité agit, notamment grâce aux actions de prévention du CLSPD: " La Collectivité au cœur des quartiers ", le déploiement de médiateurs sociaux dans les quartiers prioritaires, embauchés par la collectivité en 2023 et 2024.

La politique de la ville joue également un rôle majeur avec des appels à projets et des

actions dédiées à l'accompagnement de la jeunesse dans les quartiers prioritaires.

Mais ce n'est pas encore suffisant et il faut aller plus loin. Trouver les leviers préventifs qui vont inverser la tendance et apporter des solutions pérennes et complémentaires aux actions déjà menées.

Quel rôle spécifique la police territoriale peut-elle jouer dans la prévention et la

sécurisation des zones touristiques, en complément de la gendarmerie ? Dispose-t-

elle des moyens suffisants pour remplir cette mission ?

Il est important de rappeler les missions de chacun. L'Etat est en charge de la sécurité du territoire et la gendarmerie met en place un dispositif de surveillance et de contrôle tandis que la police territoriale est une police de proximité dont les missions sont essentiellement axées sur la prévention. La convention entre la police territoriale et la gendarmerie permet justement de mutualiser nos moyens sur le terrain et d'organiser des patrouilles conjointes pour accentuer la présence policière.

" Les actes qui se sont produits sont graves mais ce sont des actes isolés qui ne sont pas représentatifs de l'ambiance générale qui règne à Saint-Martin ".

Avez-vous prévu des mesures ou des campagnes pour rassurer les visiteurs et préserver l'attractivité de l'île ?

Nous avons tenu deux réunions de crise avec le préfet et nos équipes respectives depuis lundi matin (ndlr : 6 janvier), dans l'objectif de répondre efficacement aux actes de délinquance graves qui se sont produits ces dernières heures. Un nouveau plan de sécurité est mis en place par le préfet, garant de la sécurité publique. Il a tenu une conférence de presse mercredi 8 janvier, pour expliquer les moyens déployés.

En parallèle de l'action de surveillance et de contrôle de l'Etat et la Collectivité, l'Office de tourisme, chargé de promouvoir la destination, travaille sur l'attractivité et le message à transmettre au monde du tourisme, sous l'égide de la délégation Attractivité, économie

emploi de la collectivité, présidée par mon Premier VP Alain RICHARDSON.

Il s'agit de rassurer sur les moyens déployés pour la sécurité des touristes. Nous menons une action forte et globale pour que l'image de Saint-Martin soit protégée et conforme à la réalité. Encore une fois, les actes qui se sont produits sont graves mais ce sont des actes isolés qui ne sont pas représentatifs de l'ambiance générale qui règne à Saint-Martin.

Le modèle touristique de Saint-Martin doit-il évoluer pour mieux prendre en compte les enjeux de sécurité ?

Le modèle touristique saint-martinois est un bon modèle, il s'appuie essentiellement sur les atouts naturels du territoire, son attractivité unique et l'excellente qualité de son hôtellerie et sa gastronomie. Ce sont des valeurs sûres qui ne changeront pas de sitôt mais il faut s'adapter à l'évolution et surtout redresser la barre lorsque c'est nécessaire.

Saint-Martin a déjà traversé des périodes de tension de la délinquance par le passé et les chiffres de la délinquance sont restés stables et le territoire calme pendant plusieurs

années. Nous mettons donc tout en œuvre pour retrouver cette quiétude.

Comment l'éducation et la formation peuvent-elles jouer un rôle dans la prévention de la criminalité ?Tout repose sur l'éducation et le rôle central des parents mais lorsque les familles sont

monoparentales, fragilisées, des difficultés peuvent apparaître. Les pouvoirs publics

prennent alors le relais mais c'est un long processus.

Nous avons créé le Conseil de la parentalité en 2024; le dispositif " La collectivité au cœur des quartiers ", organise des activités pour les jeunes dans les quartiers sensibles. La Collectivité consacre plusieurs millions d'euros à la formation professionnelle chaque

année, avec le soutien du fonds social européen (FSE) pour donner accès à la formation et favoriser le retour à l'emploi.

Comme partout ailleurs, nous avons beaucoup de jeunes en errance sociale, sans diplôme, ni formation, ni emploi, qui ne parviennent pas à faire le premier pas vers ces dispositifs pour sortir de l'oisiveté. Près de 1800 jeunes sont en rupture selon les statistiques. Ils étaient évalués à 1200 en 2015. L'action à mener est complexe, délicate à solutionner mais nous y travaillons d'arrache-pied en transversalité avec tous les services impliqués. 

"La Collectivité doit toujours pouvoir faire plus, mais il faut aussi que les citoyens s'engagent "

Des initiatives locales (associatives, économiques) sont-elles soutenues par la collectivité pour offrir des alternatives à la délinquance ?

La collectivité soutient de nombreux projets associatifs, près de 3 millions d'euros sont

consacrés aux subventions associatives chaque année. C'est considérable pour un petit

territoire comme Saint-Martin.La collectivité accompagne aussi les entreprises à travers divers dispositifs de soutien : Boost pour redémarrer votre activité, Mon beau commerce pour la rénovation, Green'Up pour l'agriculture, les dispositifs d'aide aux hôtels et Guest Houses, etc.

Notre institution soutient aussi financièrement la plate-forme d'initiative locale " Initiative Saint Martin Active ", pour accompagner les porteurs de projets.

La collectivité doit toujours pouvoir faire plus, mais il faut aussi que les citoyens s'engagent, encadrent leurs enfants, leurs apprennent les valeurs essentielles de respect.

Que demandez-vous concrètement à l'État pour améliorer la situation en matière de sécurité et d'éducation ?

Nous échangeons régulièrement avec le préfet Vincent Berton et le vice-recteur Harry

Christophe, chacun dans nos domaines d'intervention.

Le préfet va renforcer la sécurité du territoire, avec plus de présence policière. C'est une

nécessité aujourd'hui. Le système éducatif doit davantage s'adapter aux caractéristiques de Saint-Martin et à nos spécificités linguistiques. L'échec scolaire découle en partie de ces difficultés et il faut trouver des solutions. C'est un domaine que je connais bien pour avoir enseigné toute ma carrière et je me bats avec ma VP Dominique Démocrite Louisy

pour faire évoluer l'enseignement bilingue.

Dialoguez-vous avec votre homologue de la partie néerlandaise sur cette question ?

La coopération avec la partie néerlandaise peut-elle être renforcée sur ces enjeux ?

Nous échangeons régulièrement avec nos homologues de la partie hollandaise sur divers sujets et la sécurité en fait partie.

Les forces de police des deux parties de l'île travaillent en bonne intelligence et collaborent régulièrement mais c'est un aspect que nous devons renforcer pour aboutir à une coopération encore plus efficace.

Propos recueillis par Diane Pezeron-Dubois