En Haïti, le gouvernement de transition a adopté une loi électorale, une étape cruciale mais semée d’embûches
Après des années de paralysie politique et institutionnelle, les autorités haïtiennes ont franchi hier (1er décembre), un pas formel vers le rétablissement de l'ordre démocratique.
Si le texte marque un " tournant ", l'organisation d'un scrutin reste un défi immense dans un pays sous la coupe des gangs. Cette avancée législative attendue depuis des années a été arrachée dans un climat de tensions politiques extrêmes et de violence endémique. Pourtant, derrière cette avancée institutionnelle se cache une réalité politique et sécuritaire beaucoup plus sombre.
Un accouchement aux forceps sous pression américaine
L'adoption de cette loi intervient dans un contexte de pressions diplomatiques accrues, notamment de la part des États-Unis. Washington, inquiet de l'enlisement de la transition, a poussé pour que le calendrier s'accélère alors que le mandat du Conseil présidentiel est censé s'achever le 7 février 2026. Les coulisses du vote de lundi révèlent la fragilité du consensus au sommet de l'État. Trois des sept membres votants du Conseil étaient absents lors de la réunion, une défection perçue par plusieurs observateurs comme une manœuvre de boycott. Selon des sources proches du dossier, certains membres du Conseil tentaient d'utiliser la loi électorale comme levier pour prolonger leur propre mandat au-delà de l'échéance de 2026, voire pour tenter de destituer le Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé. Malgré ces tentatives d'obstruction, le texte a été adopté et doit désormais être publié au Journal officiel pour entrer en vigueur. Le Département d'État américain a salué " les premières mesures " tout en rappelant que " les Haïtiens doivent forger leur propre avenir ".
Le défi immense de la sécurité
Si l'obstacle procédural est levé, la faisabilité technique d'une élection reste la grande inconnue. Haïti n'a pas connu d'élection présidentielle depuis 2016. Depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, le pays n'a plus ni chef d'État élu, ni parlement, ni élus locaux. Le vide institutionnel a laissé le champ libre aux groupes armés. Aujourd'hui, les gangs contrôlent environ 80 % de la capitale, Port-au-Prince, et étendent leur emprise vers le nord, dans la région de l'Artibonite. Or, le département de l'Ouest (où se trouve la capitale) et l'Artibonite représentent à eux seuls près de 60 % de l'électorat haïtien. Organiser une campagne électorale et installer des bureaux de vote dans des zones de non-droit, où l'État est absent et où la police nationale peine à contenir les assauts criminels, relève pour l'instant de la gageure.
Un calendrier jugé " irréaliste " ?
Le projet soumis au gouvernement prévoit un premier tour des élections en août 2026 et un second tour en décembre 2026. Un calendrier que de nombreux analystes jugent irréaliste au regard de la détérioration continue de la situation sécuritaire. Le contenu même de la loi suscite des critiques parmi les défenseurs des droits humains. Le texte final, bien qu'il offre des incitations financières aux partis présentant des femmes et des personnes handicapées, reste flou sur les critères d'éligibilité. La crainte majeure est de voir des individus liés aux groupes armés ou faisant l'objet de sanctions internationales (notamment américaines) se présenter aux suffrages, profitant de l'impunité ambiante. La balle est désormais dans le camp du Conseil Électoral Provisoire (CEP), chargé de publier le calendrier électoral définitif. Une étape administrative qui ne suffira pas, à elle seule, à convaincre une population épuisée par les crises à répétition que la démocratie est sur le point de faire son retour.
Related News
Une nouvelle compagnie fait son entrée
Le budget de la Sécu de retour à l'Assemblée pour un examen express en commission
Shein dans le collimateur de l'UE, après le scandale des poupées pédopornographiques en...