Haïti-France : Le débat sur la restitution de la dette de 1825 s’installe à la Sorbonne
Une conférence tenue le 16 décembre 2025 à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a réuni universitaires et responsables haïtiens autour de la question des réparations financières. Dieuseul Prédélus, recteur de l'Université d'État d'Haïti, y a présenté les arguments juridiques et historiques visant à obtenir le remboursement de l'indemnité versée par Port-au-Prince au XIXe siècle.
Le dossier de la " dette de l'indépendance " haïtienne fait l'objet d'un nouvel examen académique et politique. Lors d'une intervention dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, Dieuseul Prédélus, également président du Comité national haïtien pour la restitution et la réparation (CNHRR), a analysé les conséquences structurelles de l'ordonnance de 1825 sur l'économie du pays.
Une double rançon
L'exposé a rappelé les conditions de l'indemnisation imposée par Charles X : le versement de 150 millions de francs-or (réduits plus tard à 90 millions) en échange de la reconnaissance diplomatique d'Haïti. Ce transfert de richesse a été doublé d'un mécanisme d'emprunts auprès de banques françaises pour honorer les premières échéances, créant ce que les historiens nomment la " double dette ". Selon les travaux présentés, ce cycle d'endettement, qui ne s'est achevé qu'au milieu du XXe siècle, a systématiquement amputé le budget national haïtien. M. Prédélus a cité des estimations actuelles évaluant le préjudice financier entre 21 et 115 milliards de dollars, en tenant compte de l'inflation et des intérêts cumulés.
La résolution de l'Assemblée Nationale du 5 juin 2025 : Un glissement de la mémoire vers le droit
Jusqu'à récemment, la question de la " rançon " de 1825 était traitée par la France sous l'angle de la " dette morale ", une formulation qui exclut toute obligation de remboursement financier. La résolution du 5 juin 2025 change la donne : en invitant officiellement le gouvernement à " étudier les modalités d'une restitution ", l'Assemblée nationale reconnaît implicitement que le préjudice peut faire l'objet d'une réparation matérielle. La résolution de l'Assemblée nationale française du 5 juin 2025, bien que non contraignante, ouvre un espace institutionnel inédit. Elle permet de porter le débat sur le terrain de la responsabilité juridique. La stratégie du CNHRR repose désormais sur des principes de droit visant à démontrer l'irrégularité de la transaction de 1825 :
- L'examen de la validité du consentement : En droit international, la validité d'un engagement est conditionnée par l'absence de coercition. Le blocus naval français de 1825 est ici présenté comme un facteur de nullité du contrat ;
- La qualification des faits au regard des crimes contre l'humanité : L'argument consiste à souligner l'illégitimité de faire payer à un peuple sa libération d'un système l'esclavage aujourd'hui reconnu comme un crime imprescriptible.
Perspectives pour l'exercice 2026
La conférence a permis de détailler la " feuille de route " du CNHRR pour l'année à venir. Celle-ci s'articule autour de trois axes :
- Expertise scientifique : Poursuite des travaux de la commission mixte d'historiens franco-haïtiens pour stabiliser les données chiffrées ;
- Action diplomatique : Mobilisation de la diaspora et des instances de la CARICOM pour internationaliser la revendication ;
- Éducation : Refonte pédagogique avec notamment, une mise à jour des manuels scolaires pour intégrer les avancées de la recherche récente sur les mécanismes bancaires de la " double dette " et les fondements du droit international actuel concernant les réparations. Il s'agit de former les futurs citoyens haïtiens à la compréhension technique de ce dossier de restitution.
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