Barbara Olivier-Zandronis : «C’est un cri de guerre!»

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Propos recueillis par M.B.

La réalisatrice et journaliste guadeloupéenne a rassemblé dans un film, « Il est fini le temps des surettes », les témoignages poignants de cinq femmes, aux prises avec leur histoire, leur mémoire et leur négritude. Diffusé au Sénat cette semaine, le film a été l’occasion d’un débat et poursuit sa carrière à la Journée internationale de la femme africaine, à Paris, le 6 juillet prochain. Barbara Olivier-Zandronis a répondu aux questions de France-Antilles.

Dans ce film, qui rassemble les portraits de femmes de plusieurs générations, de plusieurs îles (Guadeloupe, Martinique, Haïti) et de la Guyane, vous décrivez des femmes fortes et en mouvement mais éprouvées tout de même. Votre travail a-t-il eu un impact dans leur vie ?

Complètement. Il y a eu un avant et un après. Je l’ai vu dans leur vie et elles me l’ont dit ! Le fait de libérer la parole, de mettre des mots sur les maux, d’assumer, a été important. Ce film pose la question de blessures transgénérationnelles. Comment les transcender ? Comment en finir avec des schémas familiaux qui se répètent ? Ces schémas trouvent racine pour la plupart dans les stigmates de l’esclavage. Il faut assumer pour mieux dépasser. C’est films n’expriment pas seulement les blessures, ils posent la question de la guérison.

Il s’agit d’histoires de femmes noires, afro-descendantes, mais tout le monde n’est-il pas concerné ?

Si, exactement. La précarité persistante, les agressions sexuelles, les viols, l’inceste, ne sont pas l’apanage des Noirs. Et les méfaits du déterminisme social, non plus ! « Le temps des surettes » est une proclamation, un cri de guerre. Le plus loin possible de la naïveté. Il s’agit de dire que chez nous, aux Antilles, de jeunes pousses afro-descendantes ont décidé de ne plus subir, de s’émanciper et de briser toutes les chaînes, mentales, géographiques. Pas besoin d’être Noire pour vouloir briser ça.

Dans le cadre de la campagne des législatives, un responsable local du Rassemblement national, à La Réunion, a récemment déclaré que l’esclavage « c’est fini » et qu’il ne faut « plus en parler ». Ça vous inquiète ?

C’est du négationnisme. La pensée de cet élu est très choquante et constitue un recul manifeste : c’est une absurdité. Je trouve ça d’autant plus dangereux que les films que je fais visent à déconstruire ces schémas que nous avons intériorisés. Ce n’est pas en les niant, en les mettant sous le tapis qu’on pourra résoudre les problèmes. Il y a un juste équilibre à trouver : ne pas vivre dans le passé mais ne surtout pas oublier les évènements qui ont marqué notre histoire. Nous avons un devoir de mémoire qu’on ne doit pas renier, dont on ne doit pas avoir honte.