Plans court-circuités, programmes interrompus, la coupure généralisée d’électricité, et pour les pointois, les épisodes de violence qui ont eu lieu vendredi soir, accentuent des difficultés de tout ordre.
Généralement, les causes des coupures de courant sont nombreuses et diverses. Pannes techniques, intempéries graves, surcharges du réseau ou encore travaux de maintenance. On tente alors de se montrer compréhensif, de faire preuve de patience en attendant le retour à la normale.
La centrale mise à l’arrêt
Mais la coupure qui a paralysé la Guadeloupe toute la journée du vendredi 25 octobre, puis quasiment toute la nuit du vendredi 25 au samedi 26 octobre n’entre dans aucun de ces cas de figure. « Des salariés grévistes de la centrale thermique d’EDF-PEI se sont introduit à 8 h 30 dans la salle des commandes et ont provoqué l’arrêt d’urgence de l’ensemble des moteurs de la centrale », affirmait le préfet, Xavier Lefort, par voie de presse, vendredi en fin de matinée. Pendant ce temps, un peu partout en Guadeloupe, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif, cette coupure d’électricité qui a plongé plusieurs dizaines de milliers de guadeloupéens dans le noir a eu d’autres lourdes conséquences.
Nuit à la belle étoile et système D
À Port-Louis, le boulanger se réjouit, le puissant groupe électrogène dont il dispose a bien pris la relève et a tenu jusqu’au rétablissement de l’électricité, lui évitant une perte de production. Il regrette de n’avoir pas eu le même système à son domicile et pour lui comme pour d’autres, la nuit a été difficile. « Mon compagnon et moi-même n’avons pratiquement pas dormi. Nous avons essayé de dormir à l’extérieur sur un hamac, mais étions assaillis par les moustiques », témoigne une habitante d’Anse-Bertrand, samedi matin.
Dans le nord Grande-Terre, l’électricité a été rétablie vers 6 h du matin tandis que la côte est était encore privée de réseau en début d’après-midi. D’autres encore aux Abymes, à Baie-Mahault, ont eu du courant dans la nuit, puis plus rien au petit matin. Les connexions réseau en ont souffert. D’ailleurs, après le retour de l’électricité, 1800 foyers étaient encore privés d’internet samedi à 11 h. « Le téléphone ne fonctionne pas, je ne peux donc pas avoir de nouvelles de mes proches », confiait l’Ansoise en début de matinée. Stress, anxiété, individus qui se retrouvent isolés, cette coupure affecte aussi les liens sociaux. Perte de connectivité, mais aussi des équipements ménagers impactés par cette coupure particulièrement longue au cours d’une des périodes les plus chaudes de l’année. D’où une éventuelle dégradation rapide des aliments stockés, voire une partie du budget alimentation gaspillée.
« J’ai tout mis à la poubelle »
« 577,75 €. Pour le moment, je suis à ça, de pertes en surgelés », déplore Pierre-Charles en montrant du doigt le total d’une facture qu’il est en train de mettre à jour sur son ordinateur. Le jeune gérant d’une supérette à Anse-Bertrand ne fait que commencer son état des lieux au lendemain de la grande coupure.
Car lui ne dispose pas d’un groupe électrogène. Comme pour de nombreux commerces de proximité, l’impact est important, les terminaux de paiement par carte étaient inutilisables, limitant ainsi les ventes et des denrées ont péri.
« J’ai compté deux congélateurs sur quatre », ajoute-t-il devant l’un d’eux. Celui-ci a été entièrement vidé. « J’ai tout mis à la poubelle. Or ce congélateur était bien rempli, puisque nous avions été livrés jeudi matin », affirme Pierre-Charles.
Gérant d’une supérette depuis quatre ans, il se dit inquiet, car il ne sait pas s’il pourra être indemnisé. « À qui dois-je envoyer ma facture ? EDF ou mon assurance ? », interroge-t-il. « Pourtant, il y a deux jours, je me suis acquitté d’une facture d’électricité d’un montant de 1500 euros pour le mois. Cette somme s’ajoute au coût de la livraison de produits surgelés qui a eu lieu jeudi, soit 700 euros environ », explique-t-il. Pierre-Charles se rassure comme il peut, il a au moins pu éviter le pire.
Une nouvelle livraison devait avoir lieu vendredi, celle-ci a été annulée in extremis. Sans groupe électrogène, les équipements disposent de 4 heures d’autonomie, mais la coupure a duré près de 12 heures. Pour l’heure, Pierre-Charles n’a pas les moyens d’investir dans un groupe électrogène, mais il réfléchit carrément à tout miser sur le solaire, ayant été quelque peu traumatisé. « Le vendredi, c’est un bon jour pour faire du chiffre. Or, je n’ai fait aucun chiffre d’affaires, mais j’ai encore des factures à payer. Je suis conscient qu’il y a pire. Cependant, les grévistes d’EDF doivent aussi penser à nous. C’est ce qui me fait dire que ce mouvement n’a pas l’union et la force qu’il lui faut. Tant que l’on n’a pas le peuple dans sa poche, on ne peut rien faire », affirme Pierre-Charles.
« À 27 ans, je ne peux pas me retrouver sans emploi après m’être sacrifié pour tenir cette boutique, sept jours sur sept jusqu’à 21 h », conclut-il.