Au terme d’une semaine de débats à l’Assemblée nationale, l’examen du volet « recettes » du projet de loi de finances 2025 n’a pas pu aller à son terme. Après une pause, consacrée à l’étude du projet de loi de finances de la Sécurité sociale dès lundi 28 octobre, les élus reprendront les discussions sur les recettes le 5 novembre. D’ores et déjà, les débats à l’Assemblée ont souligné la faiblesse du « bloc central », soutien du gouvernement, incapable de défendre son budget et même contesté en son sein. En effet, la moitié des 3650 amendements déposés l’ont été par des parlementaires LR, Renaissance, MoDem et Horizons. Pour l’instant, le gouvernement n’a pas eu recours à l’article 49 alinéa 3, mais le texte du budget pourrait être envoyé sans vote au Sénat pour examen.
Commencé le 21 octobre, l’examen du volet « recettes » du projet de loi de finances 2025 n’est pas arrivé à son terme dans les temps impartis. Il n’y aura donc pas de vote solennel ce mardi 29 octobre sur cette première partie du vote du budget. En effet, les députés n’ont pas réussi à examiner à temps tous les amendements relatifs à la partie du texte consacrée aux recettes durant six jours d’échanges, parfois houleux et souvent confus.
Les élus ont pourtant siégé exceptionnellement dans l’hémicycle ce week-end, sans parvenir pour autant à aller au bout des 3 650 amendements déposés en tout pour la première lecture de la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) 2025. Samedi soir, il restait encore 1500 amendements à examiner lorsque les débats ont été clos. Un enlisement total, à l’image des débats qui ont eu lieu la semaine dernière.
Six jours durant, le gouvernement a enchaîné les revers sur son projet de budget, dont la version initiale vise 60 milliards d’euros d’économies afin de ramener le déficit public à 5% en 2025 comme l’a érigé en priorité politique le Premier ministre Michel Barnier.
Pour l’instant, les députés ont adopté près de 40 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui s’ajoutent aux 30 milliards de la copie initiale du gouvernement. Dans une chorégraphie parlementaire inédite, les trois blocs de l’Assemblée nationale se sont opposés, voire parfois ligués pour détricoter le texte de Michel Barnier. De multiples modifications du texte ont été votées par les élus.
Ainsi, la gauche a fait adopter une taxe exceptionnelle de 10% sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC40. Les députés ont étendu à l’ensemble du territoire les prêts à taux zéro pour l’immobilier, dans le neuf (comme le proposait le gouvernement), mais aussi dans l’ancien. Et ont aussi rendu pérenne la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises de fret maritime, plafonné à 500 millions d’euros la niche fiscale dont bénéficie ce secteur, approuvé un rétablissement progressif de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), et supprimé l’alourdissement prévu du « malus » pour les voitures essence et diesel. Une mesure notamment défendue par plusieurs élus ultramarins, dont le député guyanais Davy Rimane, à l’origine de cet amendement.
Sans majorité à l’Assemblée, le détricotage du texte gouvernemental par les oppositions était inéluctable. Mais les rangs clairsemés du bloc central et de la droite dans l’Hémicycle durant la semaine ont accrédité la faiblesse de l’assise politique de Michel Barnier. Peu de députés de son camp ont en effet défendu le projet de budget du gouvernement, soulignant la fragilité de la coalition gouvernementale à l’Assemblée. Pire, près de la moitié des 3650 amendements sur le budget ont été déposés par les groupes LR, Renaissance, MoDem et Horizons, censés former le « bloc central » qui soutient le gouvernement.
« Séance après séance, le gouvernement minoritaire de Michel Barnier vit une déroute parlementaire inédite sous la Ve République, conçue autour du fait majoritaire » notait dimanche Le Monde dans une analyse consacrée à l’examen du budget. Pour autant, le recours à l’article 49 alinéa 3, qui permet de mettre un terme aux débats et de faire adopter le projet de loi sans vote des députés, ne semble pas encore sur la table. La crainte d’une motion de censure étant réelle pour ce gouvernement minoritaire.
Sans avoir pu arriver à son terme dans les temps impartis prévus par le calendrier de l’examen du budget, le débat sur les recettes est donc mis en pause et sera de nouveau relancé à l’Assemblée nationale le 5 novembre.
Place au projet de budget de la Sécurité sociale
Place désormais à l’examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) dont les débats ont démarré ce lundi au Palais Bourbon. Un autre dossier épineux sur lequel aucun consensus ne semble émerger. En effet, plusieurs mesures voulues par le gouvernement ont été repoussées en commission, y compris par ses soutiens à l’Assemblée, notamment la refonte des cotisations patronales et le gel des pensions de retraite, destinés chacun à faire 4 milliards d’économies.
Après des modifications profondes du texte, entre suppression de mesures clés et ajout de diverses taxes, la commission des affaires sociales a finalement rejeté symboliquement l’ensemble du texte amendé, le 25 octobre, suivant le même schéma que le PLF, lui aussi rejeté en commission des finances de l’Assemblée nationale.
Pour le PLFSS, plus de 2 200 amendements ont été déposés par les députés qui ont jusqu’au 5 novembre – date du vote prévu sur ce texte – pour les examiner.
Dès lundi, lors de la première séance, les débats ont été tendus, notamment sur les arrêts-maladies dans la fonction publique que le gouvernement souhaite modifier en rallongeant le temps de carence de 1 à 3 jours et en limitant leur rémunération à 90% au lieu de 100% actuellement, afin de s’aligner sur le secteur privé. Cette révision des règles des arrêts-maladies des fonctionnaires permettrait de récupérer 1,2 milliard d’euros.
Ce milliard d’économies s’ajoutant aux 5 milliards de rabots prévus dans la fonction publique dans le Projet de loi de finances, via notamment la suppression de 3200 postes de fonctionnaires. Les ministères de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice, de l’Enseignement supérieur et des Outre-mer ne seront pas concernés.
La suite du calendrier du budget
Si les députés arrivent au bout de l’examen du PLFSS, ils voteront son adoption ou son rejet le 5 novembre. Puis le débat mis en pause sur la partie recettes du PLF reprendra, alors que la seconde partie du texte budgétaire, le volet sur les dépenses, devait être débattu en séance publique à partir de la semaine du 4 novembre. Or si la première partie sur les recettes est rejetée, la seconde consacrée aux dépenses ne peut être examinée.
Dans le scénario le plus positif, l’Assemblée nationale procédera au vote solennel sur l’ensemble du PLF le 19 novembre 2024. Mais si les députés ne se sont pas prononcés sur les deux parties du budget avant quarante jours en première lecture, soit le jeudi 21 novembre, le gouvernement aura le droit de recourir à l’article 47 de la Constitution pour envoyer directement la version initiale du texte au Sénat. Une assemblée majoritairement de droite et du centre qui semble moins hostile au gouvernement de Michel Barnier.
Les sénateurs pourraient alors amender le projet de budget sans vote complet de l’Assemblée nationale, avant qu’une commission mixte paritaire réunissant 14 parlementaires des deux chambres vienne trancher le sort de ce budget dont la version initiale vise 60 milliards d’euros d’économies, réparties entre deux tiers de dépenses en moins et un tiers de recettes fiscales supplémentaires ciblées et temporaires, pour ne pas rompre la stabilité fiscale.
D’après plusieurs analystes politiques, le gouvernement espère s’appuyer sur un compromis en commission mixte paritaire. Cette issue lui permettrait de ne pas recourir au 49 alinéa 3, largement utilisé en 2022 et 2023 par Élisabeth Borne et dont la charge négative affaiblirait davantage un Premier ministre à la légitimité fragile. L’enlisement des débats sur le budget ne serait-il donc pas si fâcheux pour le gouvernement ?
Photo de Une : malgré six jours de travail en séance, les députés n’ont pu aller à temps au bout de l’examen du volet recettes du projet de loi de finances 2025 © capture d’écran Assemblée nationale