Budget : les députés antillo-guyanais refusent obstinément la baisse des crédits Outre-mer
M. B.
Ulcérés par le fait que les crédits de la « mission Outre-mer » de la prochaine loi de finances ne seront pas discutés en séance à l'Assemblée nationale, les élus des Antilles et de la Guyane vont demander au gouvernement de reprendre à son compte leurs amendements. Ils dénoncent du mépris et beaucoup de temps perdu.
D'innombrables aller-retours en avion, des semaines de travail sur les amendements, des centaines de propositions déposées, des heures et des heures de discussion en commissions, des votes difficiles, tendus et finalement quoi, pour quel résultat ?
« Pas pour rien ! » veut se persuader le député (PS) de Guadeloupe Christian Baptiste, rapporteur spécial du Budget pour la « mission Outre-mer » dans la prochaine loi de finances (PLF 2025). « Nous avons fait notre travail, nous avons proposé des amendements sérieux, représentatifs de la volonté des Français et des Françaises, nous qui connaissons dans nos pays respectifs des crises économiques et sociales graves. Nous sommes exposés à de nombreux risques : abandonner nos territoires maintenant revient à une véritable démarche de déshumanisation ! »
Baisse de 250 millions d'euros du budget des Outre-mer
Il y a effectivement de quoi s'inquiéter : en baisse de 250 millions d'euros, le budget du ministère des Outre-mer ne sera pas même discuté par les députés en séance publique. En raison du rejet de la première partie du texte par l'Assemblée nationale elle-même, le mardi 12 novembre, non seulement les élus n'auront pas l'occasion de défendre leurs amendements dans l'hémicycle du Palais Bourbon mais ils ne pourront pas voter sur le texte dans sa globalité. Une situation inédite dans l'histoire du Parlement. Pour l'instant, la loi de finances suit son cours et va être examinée par les sénateurs.
« Il y aura un 49-3 »
« Il y aura un 49-3 et dans ce cas le gouvernement reprendra la version initiale du texte », anticipe encore le député Baptiste. Selon la Constitution française, si le gouvernement engage sa responsabilité – et fait adopter sans vote – une loi, il n'est pas obligé d'y inclure les amendements votés par les parlementaires.
C'est pourquoi Élie Califer, élu (PS) lui aussi de Guadeloupe, propose d'aller rencontrer le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, rue Oudinot, afin de lui indiquer quelles dispositions doivent absolument figurer dans la version finale de la loi de finances. « Nous ne pouvons pas accepter cette situation », plaidait le parlementaire en conférence de presse à Paris, ce mercredi 13 novembre.
Le député LIOT de Guadeloupe, Max Mathiasin, dénonce à la fois un spectacle « indécent » et des baisses de budget aux conséquences « catastrophiques ».
• M. B.
En évoquant les amendements déjà adoptés en commissions, Élie Califer est très clair : « Nous ne pouvons pas nous accommoder du fait que ce travail ne soit pas repris ». Le Guadeloupéen se tenait aux côtés de ses collègues de La Réunion et de la Guyane.
« Un spectacle indécent »
« Si la France n'est pas capable d'assumer ses territoires, qu'elle nous lâche ! », s'énerve Davy Rimane, député (Gauche démocrate et républicaine, GDR) guyanais. « Les crédits de la mission doivent être rétablis, mais pour autant je ne demanderais à aucun élu de choisir entre certains de ses amendements et je n'en retirerai personnellement aucun. Je dis cela en tant qu'autonomiste guyanais, je ne vais pas me battre avec la République pour qu'elle me garde ! »
Face au risque avéré que leur travail ne produise aucun effet dans la prochaine loi de finances, soit aucun effet tout court, les députés ultramarins semblent pris de vertige. Max Mathiasin se dit « bouleversé ».
Il n'a pas voté contre le Budget rejeté par l'Assemblée nationale. Après avoir proposé plusieurs amendements, le député de Guadeloupe s'est finalement abstenu, à l'image de plusieurs autres élus de son groupe Liberté, Outre-mer et territoires (LIOT). Aujourd'hui, « alors que la situation est grave dans [son] territoire ! », il dénonce avec émotion « un spectacle indécent ».