Local News

Cie Montagne d’Or : la justice administrative confirme la non-prolongation des concessions “Elysée” et “Montagne d’Or” | Guyaweb, site d’information et d’investigation en Guyane

30 November 2024
This content originally appeared on Guyaweb – Actualités en Guyane.
Promote your business with NAN
Cie Montagne d’Or : la justice administrative confirme la non-prolongation des concessions « Elysée » et « Montagne d’Or »

La prolongation des concessions « Elysée » et « Montagne d’Or » de la compagnie minière éponyme a de nouveau été rejetée par la justice. La cour administrative d’appel de Bordeaux estime dans une décision du mardi 26 novembre que le projet « présente un risque d’atteintes graves à l’environnement » au regard de la nature « extrêmement polluante » et de « l’importance » de sa dimension industrielle. CMO peut toujours faire appel de cette décision et se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Une hypothèse peu probable au vu de la décision du Conseil constitutionnel sur laquelle s’appuie la cour d’appel pour motiver son changement d’appréciation du dossier et qui consacre la prise en compte des impacts environnementaux dans les projets miniers. 

Nouveau revers judiciaire pour la Compagnie Montagne d’Or (CMO). La société minière a de nouveau vu sa demande de prolongation de ses concessions « Elysée » et « Montagne d’Or » du secteur Paul-Isnard être rejetée, hier, par la cour administrative d’appel de Bordeaux.

La compagnie, qui porte en Guyane un projet de méga-mine industrielle à ciel ouvert au Sud de Saint-Laurent-du-Maroni couvrant 800 hectares et censé produire 6,7 tonnes d’or par an sur douze ans, avait de nouveau rendez-vous avec la justice administrative, comme nous l’annoncions le mois dernier, dans ce long feuilleton judiciaire qu’est le dossier Montagne d’Or.

L’audience de fond a eu lieu le 5 novembre et le délibéré a été rendu mardi 26 novembre par la cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA). Les juges ont rejeté la demande de prolongation des concessions CMO pour un motif d’impact écologique.

Ce projet « présente un risque d’atteintes graves à l’environnement » au regard de la nature « extrêmement polluante » et de « l’importance » de sa dimension industrielle, motive la justice administrative dans sa décision. Pour rappel, le projet Montagne d’Or, porté par le consortium russo-canadien Nordgold-Orea Mining, était le plus grand projet d’extraction d’or primaire jamais proposé en France.

Or « les concessions « Elysée » et « Montagne d’Or », représentant des surfaces de 24,82 km² et 15,24 km², sont situées dans la forêt équatoriale de Guyane qui constitue l’une des écorégions les plus riches du monde en termes de biodiversité, au sein d’une réserve biologique dirigée et entre deux massifs inclus dans la réserve biologique intégrale de Lucifer / Dékou – Dékou » insistent les juges, qui confirment donc la légalité du refus opposé par l’administration aux demandes de la Compagnie Montagne d’Or de prolongation de ses deux concessions.

Longue bataille judiciaire 

En janvier 2019, le ministère de l’Économie avait déjà refusé implicitement, dans un contexte de forte mobilisation citoyenne contre ce projet, de prolonger pour vingt-cinq ans les deux concessions minières, comme demandé depuis 2018 par les promoteurs de Montagne d’Or.

Suite à ce refus, le tribunal administratif de Cayenne avait annulé en décembre 2020 les décisions implicites de Bercy de non prolongation des concessions. Une décision confirmée en 2021 par la CAA de Bordeaux. La cour avait estimé que les conditions fixées par la loi modifiée en 2011 pour la prolongation des concessions n’autorisaient pas le ministre à opposer des motifs d’ordre environnemental aux demandes de prolongations dont il était saisi mais seulement à vérifier que l’opérateur justifiait de capacités techniques et financières suffisantes, ce qui était le cas.

Mais en février 2022, le Conseil constitutionnel, suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par France Nature Environnement, déclarait qu’une partie de cet ancien code minier – qui permettait de renouveler des concessions sans tenir compte des conséquences environnementales – était contraire à la Loi fondamentale française, ouvrant une voie de recours contre le projet controversé en Guyane.

En octobre 2023, le Conseil d’État, saisi par le ministère de l’Économie, avait alors annulé les arrêts de la cour administrative d’appel de Bordeaux de 2021 et renvoyé l’affaire devant cette même cour au motif que les dispositions législatives prévoyant les conditions de prolongation des concessions avaient été déclarées contraires à la Constitution.

« Ces dispositions méconnaissent les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement, qui prévoient le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et l’obligation pour toute personne de prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, d’en limiter les conséquences, en ne prévoyant pas que l’administration prenne en compte les conséquences environnementales de la prolongation d’une concession minière avant de se prononcer » justifiait alors le Conseil d’Etat, pour qui les seules capacités techniques et financières des miniers ne suffisent désormais plus pour la prolongation des concessions, laquelle impose de vérifier les impacts sur l’environnement.

Nouveau cadre juridique

C’est suite à ce changement de cadre juridique que le Conseil d’Etat a renvoyé au fond le dossier devant la CAA de Bordeaux, dont la décision est intervenue hier.

Au regard de ce nouveau cadre juridique instauré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (qui touche d’autres concessions minières en Guyane comme celles d’AMG à Saint-Elie), la cour a cette fois examiné les conséquences environnementales des prolongations de concessions demandées par la compagnie minière, concluant à la légalité du refus opposé par l’administration au nom des importants enjeux de continuité écologique dans la zone de Dekou-Dekou et du massif Lucifer.

Contacté, Guyane Nature Environnement s’est déclaré « satisfait que la Cour administrative d’appel refuse toute régularisation possible pour la Compagnie montagne d’or. Cette décision note un arrêt définitif de la prolongation des concessions pour un motif d’impact environnemental, sous réserve que CMO n’aille pas une seconde fois en cassation devant le Conseil d’Etat » a souligné Nolwenn Rocca, juriste de l’association de défense de l’environnement.

France Nature Environnement, à l’initiative de la QPC et du long combat judiciaire contre CMO, est également « ravie » de cette décision de justice. « La cour souligne que les deux concessions de Montagne d’Or se situent au milieu de réserves de biodiversité exceptionnelles et que de tels projets miniers dévastateurs pour l’environnement ne peuvent se justifier malgré les retombées économiques et d’emploi. C’est un coup d’arrêt important. On ne peut pas faire de projet aussi pharamineux au détriment des enjeux environnementaux » nous a déclaré Anne Roques, juriste à FNE.

D’autant que cette décision de la cour d’appel bordelaise pourrait enterrer définitivement le projet Montagne d’Or. « L’arrêt de la cour administrative d’appel est très motivé. Il faudrait une erreur de droit manifeste pour permettre à Montagne d’Or de se pourvoir en cassation » estime Anne Roques.

Contactés, les avocats de CMO, du cabinet parisien Boivin et associés, ne nous avaient pas encore répondu à l’heure de publier ces lignes, notamment sur un potentiel pourvoi en cassation de leur client pour faire appel de la décision de la CAA de Bordeaux.

Photo de Une : la cour administrative d’appel de Bordeaux © KLS / GUYAWEB