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Davy Rimane : “2025 doit être une année de concrétisation de nos engagements pris pour la Guyane” | Guyaweb, site d’information et d’investigation en Guyane

13 January 2025
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Davy Rimane : « 2025 doit être une année de concrétisation de nos engagements pris pour la Guyane »

Une semaine après le député Jean-Victor Castor, Davy Rimane, député de la 2e circonscription de Guyane, a effectué sa rentrée politique ce vendredi 10 janvier sous la forme d’une table-ronde avec les médias. Le président de la délégation Outre-mer à l’Assemblée nationale n’a pas choisi les thèmes débattus lors de cet échange avec les journalistes de Guyaweb, Radio Peyi, France-Guyane et Guyane la 1ère. Nous vous résumons les points saillants de cette discussion à bâtons rompus sur l’évolution statuaire, le développement de la Guyane, la politique nationale et locale… 

Le député de la 2e circonscription de Guyane, Davy Rimane, a choisi Macouria pour sa rentrée politique 2025, une année qui doit permettre la « concrétisation des engagements » pris pour le territoire avec son binôme Jean-Victor Castor, notamment sur l’évolution statutaire de la Guyane. Lors de cette conférence de presse, il a beaucoup été question de ce sujet, alors que le député souhaite mettre en place une nouvelle stratégie dans ce dossier, privilégiant le rapport de force avec Paris à la co-construction mise en place par l’exécutif guyanais.

L’évolution statutaire

« Il faut relancer le dossier de l’évolution statuaire. Nous avons besoin de nous réveiller sur ce sujet, car nous n’avons plus de temps à perdre. Nous avons perdu un an à cause de la stratégie de la CTG de co-construire avec l’Etat. Elle a planté, et désormais nous proposons avec Jean-Victor Castor une nouvelle stratégie, plus ambitieuse, qui passe par un rapport de force politique. La co-construction, ça ne fonctionne pas avec l’Etat. Nous l’avions dit dès le début, mais nous nous sommes pliés à la volonté de l’exécutif guyanais afin de ne pas freiner le projet. Maintenant, il faut mettre en place un rapport de force à deux niveaux : politique et populaire. Un rapport de force qui passe par l’argumentation et la détermination, pas par des batailles de rue.

En proposant une nouvelle stratégie, on ne joue pas le jeu de la division, bien au contraire. De toute façon, il n’y a pas d’unité de la classe politique en Guyane. Sur beaucoup de sujets importants, elle reste silencieuse. L’évolution statutaire aurait dû être un moment d’union, mais le passage de Macron en Guyane [boycotté par les deux députés, ndlr] a rapidement tout fait voler en éclats. Avec Jean-Victor Castor, nous sommes décrits comme deux ovnis juste parce que nous avons des positions claires et que nous nous y tenons.

Dans la foulée de notre meeting commun en décembre, nous organisons une commission spéciale le 17 janvier. Nous avons invité tous les élus pour discuter de la stratégie à mettre en place, car le statu quo n’est pas une option. Le député peut être le moteur du territoire, faire bouger les lignes, mais c’est à la CTG d’incarner le projet d’évolution statutaire. En parallèle, nous avons besoin d’intégrer la population dans ce processus, sinon nous subirons un « non » lors de la consultation populaire devant valider cette évolution statuaire. Pour cela, il faut expliquer en quoi l’évolution du cadre institutionnel va changer le quotidien des Guyanais.

On ne modifie pas le fond du projet. Le choix de la révision constitutionnelle et d’un titre spécifique dans la Constitution, on a voté pour cela en Congrès des élus, donc il faut s’y tenir et aller dans la révision constitutionnelle ouverte pour la Nouvelle-Calédonie et la Corse. C’est une occasion unique, car il ne faut pas se leurrer : jamais il n’y aura de révision constitutionnelle spécifique pour la Guyane. D’après mes informations, une délégation parlementaire se rend en Corse en février et fin mars, les conclusions pour la Nouvelle-Calédonie seront rendues. Nous avons une fenêtre de six mois pour monter dans le train dans lequel ont déjà embarqué la Nouvelle-Calédonie et la Corse.

Pour changer le quotidien des gens, si on ne va pas vers l’évolution statutaire, on n’y arrivera pas. Sur le volet économique, beaucoup de choses ne dépendent pas de nous. Nous avons besoin de ramener des compétences à l’échelle de notre territoire pour définir une stratégie économique et sociale. Car nous dépendons, depuis des décennies, à 90% de la commande publique. Donc on subsiste et notre modèle ne permet pas de sortir du contexte de pauvreté dans lequel nous sommes. Or depuis le mouvement social de 2017, les indicateurs le prouvent : nous n’avons fait que plonger. Il faut arracher cette évolution statuaire. 2025 doit être une année de concrétisation de nos engagements pris pour le territoire guyanais. »

Le rapport sur l’évolution institutionnelle des deux experts mandatés par Emmanuel Macron

« J’ai vu que ce rapport, du moins la synthèse, a été publié dans Le Monde, mais je ne l’ai pas consulté. S’il dit bien que l’autonomie n’est demandée que par les territoires qui veulent être indépendants, il est totalement à côté de la plaque. Ce rapport n’a de toute façon aucune crédibilité : tous les acteurs n’ont pas été concertés. Les deux émissaires de Macron ne nous ont pas rencontrés lorsqu’ils sont venus en catimini en Guyane, à peine 48 heures. Nous, on sait où l’on veut aller et pourquoi on veut le faire. L’Etat n’est pas sur cet enjeu, mais sur autre chose. Mais il doit répondre positivement aux demandes des territoires, car ce ne sont pas deux émissaires venus moins de 48h qui doivent dire ce qui est bon pour nous, mais les personnes issues de ces territoires. »

Le nouveau gouvernement 

« Si une censure est portée contre le gouvernement de François Bayrou, je la voterai, parce que ce gouvernement ne reflète pas les choix des électeurs exprimés après la dissolution en juin. On remet les copains, les Elisabeth Borne dont personne ne veut plus au pouvoir. Manuel Valls à l’Outre-mer ne m’inspire pas grand-chose au vu du passé de cette personne. Quant à Retailleau, maintenu à l’Intérieur, c’est un scandale. C’est l’un des pires réactionnaires du pays et cela va poser problème avec la réalité guyanaise, notamment en matière d’immigration. Son mantra, c’est la politique du chiffre, expulser tout le monde. C’est du n’importe quoi, car même en abaissant les droits, les personnes vont continuer à arriver. Nous avons besoin de les accompagner au mieux une fois sur place pour ne plus avoir de bidonvilles en Guyane. Or nous n’avons pas de Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), pourtant une obligation légale.

De toute façon, nous n’avons que des profils sécuritaires dans nos préfectures, d’anciens militaires comme Queffelec ou Poussier, alors que nous avons besoin de planificateurs pour le développement économique. En ce moment, nous sommes confrontés à une incapacité administrative de la préfecture, débordée sur les renouvellements des cartes de séjour. Avec des retards qui ont des répercussions importantes sur des familles qui ne peuvent plus travailler et vivre. J’ai demandé au ministère de l’Intérieur une task force pour la préfecture comme il y a eu pour la Justice pour les dossiers en souffrance, mais je n’ai pas obtenu de réponse jusqu’à présent. »

La rentrée parlementaire qui débute ce lundi 13 janvier 

« Cette rentrée parlementaire sera marquée par la publication d’un rapport de la délégation Outre-mer sur l’évolution institutionnelle des territoires ultramarins, que j’ai co-écrit. Sur 350 pages, nous avons mis en exergue l’histoire et les demandes de chaque territoire. Et nous avons formulé des préconisations à chaque fois. Ce rapport complet sera présenté en commission mercredi.

Je porte également un projet de création d’une nouvelle commission parlementaire de plein exercice pour les Outre-mer, afin que les réalités de nos territoires soient davantage débattues au sein de l’Assemblée. Mais la droite est très conservatrice et freine ce projet que je souhaitais présenter lors de la niche parlementaire de mon groupe, avant la dissolution. Je n’avais pas pu faute de temps. Il faudra relancer cette proposition dans une nouvelle niche parlementaire. »

Echéances électorales en Guyane

« Je vous confirme la création de mon parti / mouvement politique à l’échelle de la Guyane. Il se nomme « Acewa », qui signifie « uni » / « ensemble » en kali’na. Sa création sera officielle fin janvier. Je m’étais toujours dit de ne pas créer de parti, mais en fait, c’est nécessaire pour affirmer ce que nous voulons pour la Guyane, nos principes politiques. Un parti ne sert pas que pour les rendez-vous électoraux, mais pour influer sur la société, en formant intellectuellement les militants. Nous avons besoin de ramener la population dans la politique, de la conscientiser. Un parti ne peut pas vivre qu’au travers des élections. Ce n’est pas ça le fondamental, mais comment on reconnecte tout le monde à travers la culture, la politique, le sport… ce qui nous rassemble. Nous avons besoin de liens solides et de vivre-ensemble pour construire l’avenir de la Guyane.

Quant à votre question sur une possible candidature à la mairie de Kourou en 2027, je rappelle que je suis déjà conseiller municipal de ma ville et que je suis ce qui s’y passe. Je vois les difficultés et les besoins cruciaux. En étant dans un exécutif, on peut effectivement faire bouger plus de lignes qu’en tant que député. Car le pouvoir des députés est limité par la Constitution. Ce qui manque en Guyane, c’est d’avoir une vision globale du territoire, car les enjeux ne se situent pas commune par commune, mais à une échelle plus large. Or tous les maires n’ont pas ce recul. Je m’en suis rendu compte en 2023 en organisant une réunion avec tous les maires de ma circonscription. »

Désenclavement routier 

« L’Etat ne veut pas mettre un euro pour développer le territoire alors que nous regorgeons de foncier. Il faut mettre l’Etat devant ses responsabilités. Comme sur le projet de piste entre Apatou et Papaïchton. Ce n’est pas crédible, alors que l’Etat n’est même pas capable de réaliser 30 km entre Maripasoula et Papaïchton. En 2025, la population va doubler. Comment la nourrir, la loger, lui donner du travail ? On se doit de prendre maintenant des décisions courageuses pour l’avenir. Et cette piste, ce n’est pas sérieux. Moi, je ne veux plus jouer. Or il n’y a pas de consensus de la classe politique sur ce sujet. On le voit avec la commission de la CTG sur la Route du fleuve. Le travail du collectif Apachi est intéressant, mais pour l’instant, on n’a pas réussi à transformer l’essai. Veut-on vraiment désenclaver ce territoire ou suivre le rythme de l’Etat qui impose son tempo par rapport à sa stratégie ?

Concrètement, ce qu’il nous faut pour avancer, c’est réaliser des études et obtenir des financements. Dans le projet de loi de finances, avant qu’il ne soit rendu caduque, j’avais déposé des amendements pour financer des études de développement du routier en Guyane (où passe la route, comment, etc…) pour dix millions d’euros sur deux ans, avec cartographie à la clef. C’est comme cela que nous contournerons le manque de volonté politique et de volonté de financement pour les Outre-mer, alors que j’ai vu à l’Assemblée des milliards d’euros être accordés à l’Ukraine en moins de 30 minutes… »

Développement du territoire 

« Nous avons besoin d’imposer notre jeu face à l’Etat, avec du concret. On nous parle de CCT [contrat de convergence et de transformation, partagé avec l’Etat pour l’aménagement du territoire, ndlr], mais ce n’est pas cela qui définit le développement stratégique d’un territoire. Or nous n’avons pas en Guyane un seul document qui planifie ce développement stratégique. Cela n’existe pas. Quelles sont les filières économiques à développer sur les 5-10 prochaines années pour créer de la valeur ajoutée sur le territoire ? On ne sait pas. La maquette économique dans le cadre de l’avant-projet sur l’évolution statuaire n’était pas assez développée, car on ne développe pas un territoire uniquement sur la fiscalité. En revanche, c’est l’une des compétences les plus importantes à récupérer. La fiscalité, les douanes, ce sont des leviers directs pour le développement économique. Si on ne met pas la main sur cela, on ne changera rien, on continuera à subir, mais dans ce cas, il faudra arrêter de se plaindre. Il faut être cohérent à un moment.

Nous devons changer le système et le modèle économique voulu par l’Etat, en partant de nos besoins et de nos velléités. Il faut faire un port en eau profonde pour multiplier les échanges, comme dans n’importe quel pays. Il faut développer les hydrocarbures au vu de ce qu’il se passe dans la région. Sinon, nous serons les dindons de la farce. Il faut renverser la table. »

Photo de Une : Davy Rimane s’est prêté à l’exercice dynamique des questions-réponses avec la presse pour sa rentrée politique © Guyaweb