Ce mardi 7 janvier ont débuté à Paris les commémorations des attaques djihadistes de 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo et le supermarché Hyper Cacher au cours desquelles dix-sept personnes avaient péri. Ces commémorations ouvrent une lourde séquence mémorielle, dix ans après une série d’attentats qui a touché la France en 2015.
Le 7 janvier 2015, deux terroristes pénètrent Kalachnikov au poing dans les locaux parisiens de la rédaction du journal satirique. En quelques minutes, Saïd et Chérif Kouachi assassinent douze personnes, dont plusieurs figures historiques de Charlie Hebdo, deux policiers et un agent d’entretien. Puis ils prennent la fuite en revendiquant l’attentat djihadiste qu’ils viennent de commettre contre la liberté d’expression.
Charlie Hebdo était la cible de menaces djihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006. Son rédacteur en chef, Charb, tué lors de l’attentat, vivait notamment sous protection policière.
Le lendemain, Amedy Coulibaly, un autre terroriste, tue une policière à Montrouge, puis, le surlendemain, quatre autres personnes dans un supermarché Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris.
Ce 9 janvier 2015, les trois terroristes, qui ont coordonné leurs attaques bien qu’elles aient été revendiquées par deux entités distinctes – Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) et l’organisation Etat islamique (EI) – sont abattus par les forces d’intervention, mettant fin à leur périple meurtrier au cours duquel ils ont tué 17 personnes – 18 si l’on ajoute le webmaster de Charlie Hebdo, Simon Fieschi, grièvement blessé lors de l’attaque et qui s’est donné la mort en octobre dernier.
Le 11 janvier 2015, dans un sursaut républicain, plus de 4 millions de personnes manifestent à travers la France. Une cinquantaine de chefs d’Etat sont dans le cortège parisien, signe de la vague d’émotion internationale provoquée par ces attentats contre la liberté d’expression, la République, les forces de l’ordre et la communauté juive. La Guyane rend également hommage aux victimes de ces attaques qui ont choqué la France.
Dix ans plus tard, de sobres commémorations se sont ouvertes ce mardi à Paris. Rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement, ancien siège de la rédaction de Charlie Hebdo, le chef de l’Etat Emmanuel Macron et la maire de Paris Anne Hidalgo ont déposé une gerbe à l’heure même de l’attaque, en présence des survivants, des familles des victimes et de nombreuses personnalités comme François Hollande, président de la République au moment des attentats.
Ces hommages se poursuivront toute la semaine et ouvrent une lourde séquence mémorielle, dix ans après une série d’attentats djihadistes qui a touché la France en 2015. L’attentat de Charlie n’était en effet que le prélude d’une année meurtrière en France, ponctuée par l’attaque de Saint-Quentin-Fallavier en juin, l’attentat raté du Thalys en août et les tueries du 13 novembre au Bataclan, au Stade de France et sur les terrasses parisiennes qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés.
Charlie « increvable »
Dix ans après ces attaques, Charlie Hebdo subsiste toujours, mais vit bunkerisé dans des locaux ultra-sécurisés. Le journal satirique, créé en 1970 sur les cendres du magazine Hara-Kiri, est dirigé par Riss, l’un des survivants de l’attaque terroriste.
Charlie Hebdo a sorti ce mardi 7 janvier un numéro spécial de 32 pages tiré à 300 000 exemplaires, défendant toujours haut et fort la liberté d’expression. En Une, il se dit « increvable !« , avec un dessin de Riss montrant un lecteur jovial, assis sur un fusil d’assaut, lisant ce numéro « historique« .
La rédaction est aujourd’hui composée à 90% de nouveaux, alors que de nombreux historiques du journal satirique ont décidé de tourner la page. Ses membres vivent sous protection policière constante, la menace djihadiste n’ayant pas disparu dix ans plus tard.
Si l’arsenal juridique protège aujourd’hui davantage la satire, les caricaturistes vivent la peur au ventre. « Ils doivent désormais lutter contre l’indifférence ambiante et plus contre la censure législative » souligne Laurent Bihl, spécialiste de la satire et enseignant à la Sorbonne, dans un entretien avec l’AFP repris par de nombreuses rédactions.
La tuerie de « Charlie » marque ainsi un tournant concernant la liberté d’expression et l’autocensure, renforcé par l’assassinat de Samuel Paty en 2020, cet enseignant décapité par un islamiste radical après avoir présenté une caricature de Mahomet en cours.
Depuis 2015, au lieu d’avoir des espaces satiriques qui se sont ouverts, de tels espaces se sont fermés. Les « Guignols de l’info » ont disparu en juin 2018, trois ans après « Charlie ». Le New York Times a annoncé cesser de publier des satires au 1er juillet 2019. Et au Danemark, où ont été publiées en premier les caricatures de Mahomet reprises ensuite par Charlie Hebdo, le délit de blasphème a été réintroduit en 2023. « Avec cette loi, ce sont les fondements mêmes de nos démocraties modernes qui sont remis en cause » dénonçait Charlie Hebdo dans un éditorial. Les libertés d’expression et d’information restent des acquis fragiles.
Photo de Une : une femme reprend le slogan de soutien resté célèbre « Je suis Charlie » lors d’un rassemblement à Cayenne en 2015 en hommage aux victimes des attentats de janvier © Marion Briswalter / archives Guyaweb
Pour aller plus loin, relire les articles consacrés par Guyaweb à ces événements et à la liberté d’information.