Principal dispositif d’allégement des charges sociales des entreprises ultramarines, la Loi pour le développement économique des Outre-mer (Lodéom) pourrait faire l’objet d’une réforme et d’une diminution de ses crédits dans le contexte des larges économies de dépenses publiques souhaitées par le gouvernement. D’autant que des dysfonctionnements du mécanisme d’exonération ont été dénoncés dans un rapport de l’Igas et de l’IGF publié en mai et appelant à une réforme de fond. Le député guadeloupéen Christian Baptiste (groupe socialistes et apparentés) défend quant à lui le principal mécanisme de soutien à la compétitivité des entreprises ultramarines, dans le cadre d’une mission de contrôle qu’il a initiée et pour laquelle il est actuellement en déplacement en Guyane.
Dotée d’1,8 milliard d’euros en 2025, soit les deux tiers des crédits de la mission Outre-mer s’élevant cette année à 3,2 milliards, la Loi pour le développement économique des Outre-mer est le principal dispositif d’allègement des charges sociales des entreprises ultramarines.
Mis en place par la loi du 25 juillet 1994 et la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’Outre-mer, ce mécanisme d’exonération de cotisations de Sécurité sociale a pour objectif d’améliorer la compétitivité des entreprises et le taux d’emploi en prenant en charge 100% des cotisations sociales jusqu’à 1,7 Smic.
La Lodeom vise ainsi à compenser les surcoûts structurels et les écarts de productivité dans les économies ultramarines, confrontées aux frais d’approche, à l’octroi de mer, aux droits de port et de transit du fait de leur dépendance aux importations et de leur éloignement des zones de production. Une réalité d’autant plus prégnante en Guyane où la situation du Grand port maritime au très faible tirant d’eau génère des coûts de transbordement supplémentaires pour chaque importateur. Ainsi, ce régime dérogatoire est décrit « comme une bouffée d’oxygène pour l’économie formelle« par Lauric Sophie, secrétaire général de la Fédération régionale du BTP (FRBTP).
Or la Lodeom pourrait prochainement faire les frais de la cure d’austérité voulue par le gouvernement et initiée dès le budget 2025. Pour rappel, près de 40 milliards d’économies, notamment en rognant sur les dépenses publiques, ont été décidées dans le dernier projet de loi de finances, adopté par 49.3 en février après des mois de tractations politiques qui ont notamment vu le gouvernement Barnier être renversé.
D’autant que le fonctionnement de ce dispositif a été récemment remis en cause par un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en mai. Le rapport a mis en évidence la complexité des dispositifs, leur faible lisibilité pour les entreprises et les difficultés de contrôle pour les Caisses générales de Sécurité sociale. Les rapporteurs, dénonçant des abus et un gaspillage d’argent public, appellent à une réforme structurelle de la Lodeom pour 2026 afin de créer un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations sociales.
« La tentation est forte de rogner sur la Lodeom » alerte le député guadeloupéen Christian Baptiste (groupe socialistes et apparentés) qui a initié une mission parlementaire de contrôle de la Lodeom. « Nous avons failli perdre 180 millions dans le PLFSS 2025 et on s’est battus contre cela, mais le combat n’est pas terminé.«

Le député de la 2e circonscription de Guadeloupe mène une mission de contrôle sur le dispositif Lodeom © Guillaume Reuge_Guyaweb
Présent en Guyane cette semaine, l’élu, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, tente de défendre le dispositif. Sa mission vise à évaluer les effets concrets des exonérations de cotisations sociales dans les Outre-mer, tant sur l’emploi local que sur la structuration du tissu économique, dans la perspective d’une éventuelle réforme annoncée par le gouvernement.
« Si la Lodeom disparait, ce sera une catastrophe pour toutes les entreprises des Outre-mer et en particulier celles de Guyane » qui jouissent d’une Lodeom « renforcée »* en raison des retards de développement du territoire, alerte Christian Baptiste. « Les 5000 entreprises guyanaises qui bénéficient de la Lodeom se retrouveraient en difficulté. » Celles-ci ont profité de 162 millions d’euros d’exonération de charges sociales l’année dernière, grâce à la Lodeom.
« C’est un dispositif maîtrisé par les entreprises et les experts-comptables. En changer générerait de l’inertie et freinerait l’économie le temps de se mettre à la page. Or le BTP [secteur moteur de l’économie en Guyane, Ndlr] connaît déjà un coup de frein avec une commande publique moins importante cette année du fait d’un budget de l’Etat en baisse et long à être validé » souligne Lauric Sophie depuis un chantier de l’entreprise Ribal TP, où le député Christian Baptiste a convié la presse pour partager les réflexions intermédiaires de sa mission de contrôle.
« Amélioré et simplifié mais pas supprimé »
Bien que la réforme de la Lodeom ne verra pas le jour avant 2026 et que les débats sur le budget et sur celui de la Sécurité sociale (dont dépend la Lodeom) ne débuteront pas avant la session parlementaire d’octobre, Christian Baptiste tient à alerter dès aujourd’hui sur un risque de rabotage voire de disparition du dispositif d’allègement de charges. « Les arbitrages sur le budget commencent dès la fin de la session parlementaire en juillet. C’est maintenant que sont négociés les budgets entre Bercy et le ministère des Outre-mer. Il ne faut pas attendre la remise de mon rapport en septembre pour contribuer aux arbitrages« , indique-t-il.
En parallèle de ses déplacements sur le terrain – Christian Baptiste s’est déjà rendu aux Antilles et se déplacera à La Réunion après sa visite en Guyane -, le député socialiste a initié un travail de lobby auprès de la direction générale des Outre-mer et de la direction budgétaire du ministère des Finances pour éviter toute suppression de la Lodeom. S’il partage les constats dressés par le rapport de l’Igas et de l’IGF, il juge néanmoins ses recommandations « dangereuses« .
« Le dispositif mérite d’être amélioré et simplifié mais pas raboté, parce qu’il n’est pas totalement vertueux et parfait. Beaucoup d’entreprises ultramarines ont en effet des dettes sociales, en raison notamment de délais de paiement longs des collectivités. Il y a aussi des abus, des fraudes. Mais il faut simplifier la Lodeom et renforcer les contrôles plutôt que revoir le dispositif dans son ensemble« , plaide-t-il. Renforcer les moyens des Caisses générales de Sécurité sociale fera ainsi partie des recommandations de sa mission de contrôle.
Plus que sauver la Lodeom ou limiter les coupes budgétaires à son encontre, l’élu souhaite même étendre le dispositif. « Pour le rendre attractif, il faut pratiquement l’aligner sur les 40% du public » et donc augmenter les barèmes pour permettre au secteur privé d’être concurrentiel en termes de salaires. Selon Christian Baptiste, l’importance de la Lodeom dans le fonctionnement des entreprises témoigne également des problématiques de vie chère, de chômage (19 à 20% en Guyane), de formation, d’économie informelle et des retards structurels inhérents aux territoires ultramarins. « C’est un système global qui justifie à lui seul la mise en place d’un régime dérogatoire qu’il est important de maintenir.«
Photo de Une : Le député socialiste Christian Baptiste s’est rendu ce mercredi 25 juin sur un chantier de l’entreprise Ribal TP à Cayenne pour parler de la Lodeom. Le BTP est un des secteurs qui bénéficient le plus du dispositif d’exonération en Guyane © Guillaume Reuge_Guyaweb
*Sur une enveloppe Lodeom globale de 162 millions d’euros, 50 millions sont alloués spécifiquement à la Guyane qui est le seul territoire ultramarin à bénéficier d’une Lodeom dite « renforcée ».