

À Paris, J.S.
Les plus hautes autorités de l’État, dont le président Emmanuel Macron, ainsi que la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME), ont engagé ce jeudi — à l’occasion du bicentenaire de l’indemnité imposée par la France à Haïti en 1825 — un processus mémoriel et de réflexion sur les réparations envers la première République noire.
Une injustice historique. Le mot revient avec force pour qualifier la spirale d’inégalités et de sous-développement dans laquelle Haïti a été entraînée après son indépendance. En 1825, malgré ses victoires militaires, le pays dut verser à la France une somme colossale en échange de sa reconnaissance. Dans une note rédigée par un conseil scientifique, avec notamment les historiennes Mathilde Ackermann-Koenigs et Myriam Cottias, la FME rappelle que cette indemnité a contraint les descendants d’esclaves à compenser financièrement les anciens maîtres qu’ils avaient défaits et chassés.
Dans un communiqué publié ce même jour, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission mixte franco-haïtienne chargée d’examiner « notre passé commun ». Si l’éventualité de réparations financières n’est pas exclue, elle est différée. « Une fois ce travail accompli, la commission proposera des recommandations aux deux gouvernements pour en tirer les leçons et construire un avenir plus apaisé », a déclaré le chef de l’État.
Un signal salué, mais pas suffisant
Le communiqué présidentiel a été bien accueilli lors des célébrations du « Bicentenaire de la dette d’Haïti », organisées par la FME aux Archives nationales. « Je prends acte de la volonté des autorités françaises de faire vivre la mémoire de l’esclavage, a déclaré le chargé d’affaires d’Haïti en France, Louino Volcy. Si on ne peut changer l’histoire, on peut la réparer. »
Jean-Marc Ayrault, président de la FME, a salué une première étape : « Cette reconnaissance était nécessaire. Ce n’est qu’un début, mais cette démarche engagera la France sur la voie de la réparation. »
Pour l’historienne Mathilde Ackermann-Koenigs, qui a travaillé deux ans sur la note de la FME, les attentes risquent toutefois d’être déçues. « Ce que Haïti attendait, c’est de l’argent. Restituer, ce serait reconnaître. Il existe différentes formes de réparation : aide humanitaire, soutien à l’éducation… Mais le poids de cette double dette continue de peser. »
Une grande déception pour la Plateforme Solidarité Haïti
Jusqu’au dernier moment, Mackendie Toupuissant et Ornella Brasceci, représentants de la Plateforme Solidarité Haïti, espéraient une annonce forte sur les réparations. « Une dépêche de l’AFP nous laissait espérer une avancée. Nous exprimons notre grande déception », ont-ils déclaré sur scène. « La situation en Haïti ne peut pas attendre les résultats d’une commission. Le dossier est suffisamment documenté. Il faut agir maintenant. »
Une « double dette » remboursée jusqu’en 1924
Dès 1825, pour payer l’indemnité de 125 millions de francs-or exigée par la France, Haïti contracte une dette auprès de la Caisse des dépôts et consignations, à un taux de 6 %. Le remboursement ne s’achèvera qu’en 1924. Cette mécanique d’endettement, connue sous le nom de « double dette », a représenté jusqu’à 150 millions de francs-or, soit entre 21 et 100 milliards d’euros actuels. La note explicative complète est disponible sur le site de la FME.
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