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Interview : Jean Claude Barny et Alexandre Bouyer : Plongée dans l’héritage révolutionnaire de Fanon

16 April 2025
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À l'occasion de la sortie du film Fanon, nous avons rencontré le réalisateur Jean Claude Barny et l'acteur Alexandre Bouyer. Ensemble, ils reviennent sur les défis de porter à l'écran la vie et la pensée du célèbre révolutionnaire Frantz Fanon. Entre engagement politique, héritage colonial et cinéma militant, ils nous dévoilent les coulisses de cette œuvre puissante, qui résonne plus que jamais avec notre époque.

Nous savons que dans les Antilles françaises, nous avons beaucoup de personnages extrêmement marquants, pourquoi ce choix de faire un film sur Fanon et pas Aimé Césaire par exemple ?

Jean-Claude Barny : Il y a principalement deux raisons, la première est qu'il s'agit d'un personnage que j'ai découvert à 16 ans, qui a pu me construire à la fois en tant qu'homme et en tant que cinéaste. C'est quelqu'un qui m'a permis de comprendre à quel point nous étions dans une situation d'aliénation et que nous avons le peuple antillais, tout un travail à faire. Quand j'ai senti que j'allais devenir cinéaste, j'ai fait de Fanon mon accompagnateur. 

Pourquoi avoir pris la décision de se focaliser sur cette partie de sa vie en Algérie et ne pas réaliser un biopic plus “traditionnel” ?

Jean-Claude Barny : C'est quelqu'un de très complexe, qui avait une force de travail et puis aussi un engouement pour la multiplicité de ses talents, il a écrit des poèmes, il a écrit des livres, il était médecin psychiatre, il s'est engagé avec le FLN. C'était quelqu'un allait à 200 % dans tout ce qu'il faisait. Il était important pour nous de cadrer à mon sens la meilleure partie du film, pour nous c'était son arrivée à Blida, c'est là où son destin se met en place. Je pense que dans tous produits que l'industrie propose dans le cinéma, il faut recentrer les choses sinon vous partez dans pleins d'endroits différents et puis finalement le spectateur ne retient qu'un long trajet, où il n'y a pas réellement une pertinence. On avait vraiment envie que le spectateur comprenne le message, le fond comme la forme donc voilà on va se focaliser sur son arrivée à Blida jusqu'à sa mort. 

Quelle a été votre relation avec Alexandre (Bouyer) sur le tournage ? Faites-vous partis de ces réalisateurs qui laissent une liberté à l'acteur pour qu'il s'exprime ou au contraire vous êtes celui qui est très minutieux où chaque détail compte ?

Jean-Claude Barny : Alors moi je pense que je suis un peu des deux, je pense que je suis quelqu'un qui est extrêmement en attente, c'est-à-dire que j'ai besoin de quelque chose de très précis parce que je sais que cette chose là va être importante pour les spectateurs. Je fais attention à tout ce dont j'ai besoin pour faire mon film, je l'ai dans la boîte comme on dit. Mais il faut également que je laisse à l'acteur sa liberté de proposition parce qu'il y a des choses que je veux et lui peut-être qu'il peut sublimer, il peut encore aller plus loin. On ne peut pas contrôler un acteur, ce sont des gens qui ont leur propre libre arbitre. 

Comment prépare t'on un rôle comme Fanon ? Êtes-vous du genre Jared Leto à entrer dans un personnage durant la totalité du tournage ?

Alexandre Bouyer : Déjà par un scénario incroyable proposé par Jean-Claude Barny, un scénario sur lequel ils ont travaillé pendant longtemps. Un scénario construit avec l'âme d'artiste de Jean-Claude, c'est-à-dire avec précision et poésie. Après ces personnes qui ont fait tout ce travail, vous confient ce bébé et vous disent “on t'a choisi, maintenant c'est à toi”. On s'engage à 300 % parce qu'il y à ce travail à respecter, et aussi parce qu'on nous propose un rôle qui nous dépasse. Il y a également un engagement personnel, c'est-à-dire que j'ai ce type d'acteurs en exemple mais forcément moi j'ai toujours des choses que je pourrais rajouter en plus, qui font ma patte à moi, l'artiste et l'acteur donc on s'engage à 800 %. On travaille sur la psychologie du personnage, on va lire tous ses bouquins. 

Dans tes recherches pour le personnage de Fanon, est-ce qu'il y a eu un moment qui t'a marqué, où tu t'es reconnu ?

Alexandre Bouyer : Absolument ! J'ai toujours grandi avec une envie de fédérer le fait de vivre ensemble avec les différences de chacun. Souvent j'ai rencontré des obstacles dans ma vie, c'est-à-dire des gens qui pensaient totalement différemment, à qui je ne fais aucun reproche je respecte la manière de penser de chacun. Jusqu'à ce que je tombe sur Fanon, j'avais l'impression de peut-être me tromper et en fait Fanon m'a rassuré. Quand j'ai lu “Peau noire, Masques blancs”, j'ai compris qu'il prônait exactement la même chose, parce que quand vous avez un homme qui s'engage pour un peuple avec des valeurs différentes de lui, de par la race, la culture qui s'engage à les défendre corps et âmes comme il pourrait défendre son peuple, pour moi c'est ce qu'il y a de plus beau. Ça m'a encouragé et permis de m'identifier à quelqu'un et surtout à une grande personne.