Jamais la prévention des infections sexuellement transmissibles n'a été aussi accessible en France. Pourtant, ce sont les moins de 25 ans qui enregistrent aujourd'hui la progression la plus inquiétante des IST.
Le bilan 2024 de Santé publique France ne laisse guère de place au doute. Avec environ 61 100 diagnostics de chlamydia, 25 800 cas de gonorrhée et près de 6 500 infections à la syphilis, les IST progressent de manière continue. Les jeunes de 15 à 25 ans constituent le groupe le plus touché, particulièrement les femmes pour la chlamydia. Du côté du VIH, les 8,5 millions de sérologies réalisées ont permis d'identifier 5 100 nouvelles découvertes de séropositivité. Mais un chiffre préoccupe durablement les spécialistes : environ 43 % de ces diagnostics interviennent à un stade tardif, révélant que beaucoup ignorent longtemps leur infection.
Si cette visibilité accrue s'explique en partie par l'amélioration du dépistage, l'ampleur des diagnostics traduit malgré tout une progression bien réelle des contaminations chez les jeunes.
Une prévention disponible mais pas toujours adoptée
Sur le terrain, l'arsenal préventif semble pourtant complet : préservatifs gratuits en pharmacie, tests accessibles sans ordonnance, centres de dépistage anonymes, campagnes universitaires et même influenceurs qui abordent la sexualité sans tabou. Alors, où se situe la faille ? L'accès ne garantit pas l'usage. Une étude publiée en 2025 par Sida Info Service révèle que 79 % des jeunes de moins de 25 ans ayant contacté la plateforme au sujet d'une IST n'avaient pas utilisé de préservatif lors du rapport en cause.
La prévention institutionnelle peine également à s'inscrire dans les pratiques quotidiennes d'une jeunesse aux codes mouvants. Les messages arrivent parfois trop tard ou paraissent déconnectés des réalités vécues : applications de rencontres, sexualité numérique, contexte festif. Pour beaucoup de jeunes adultes, le VIH n'évoque plus le spectre terrifiant des années 80 et 90. Les traitements efficaces, le message “Indétectable = Intransmissible” et l'absence de témoignages directs dans leur entourage ont transformé cette infection en chapitre d'histoire presque théorique. Ce progrès médical indéniable s'accompagne d'un effet pervers : une menace qui ne se voit plus s'érode dans les consciences. Le VIH devient abstrait alors que les contaminations persistent et que les diagnostics tardifs demeurent un véritable problème de santé publique.
Une sexualité spontanée à l'ère du numérique
La manière d'entrer dans la sexualité a profondément changé. Les rencontres transitent désormais par des applications, des messages privés, des algorithmes qui rapprochent les corps avant même la première conversation. Cette fluidité s'accompagne d'une forme d'urgence du moment, d'une impulsion qui relègue souvent le préservatif au second plan. La sexualité des jeunes se caractérise aussi par sa précocité, sa diversité et sa multiplicité de situations : colocation, soirée, chez quelqu'un rencontré quelques heures plus tôt. Autant de contextes où l'organisation cède la place à l'improvisation, et où le préservatif perd son statut de réflexe automatique.
Construire une culture durable de la santé sexuelle
L'éducation sexuelle en France ressemble trop souvent à un rendez-vous annuel, parfois mal assuré, parfois survolé. Une véritable prévention nécessite pourtant une culture continue : connaître les risques, savoir comment, où et quand se faire dépister, oser demander un test.
La santé sexuelle devrait être vécue comme une compétence sociale, pas comme un devoir ponctuel. Les jeunes ont besoin d'outils, de mots et d'espaces sûrs pour poser leurs questions, de repères dans un univers où tout va très vite. Entre accessibilité théorique et adoption pratique, c'est toute une culture de la prévention qu'il reste à construire, au plus près des réalités d'une génération connectée, spontanée et insuffisamment protégée.
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