Alors que Cuba traverse l'une des crises énergétiques les plus graves de son histoire, le Mexique intensifie son soutien à l'île. L'envoi imminent de 80 000 barils de carburant constitue un geste fort dans une partie d'échecs géopolitiques où se croisent des pressions américaines, des solidarités régionales et des montages financiers opaques.
Dans les prochains jours, deux navires en provenance du port de Coatzacoalcos, l'Eugenia Gas et l'Ocean Mariner, accosteront sur les côtes cubaines. Selon les données de géolocalisation, ces cargaisons représentent une bouffée d'oxygène pour un pays où les coupures de courant dépassent désormais les 20 heures par jour. Ce soutien intervient à un moment critique : le déficit électrique de l'île oscille quotidiennement autour de 2 000 mégawatts, soit plus de la moitié de la demande nationale. Si la production nationale cubaine coûte 40 000 barils par jour, les besoins fondamentaux coûteront 110 000 barils. L'apport mexicain, bien qu'insuffisant pour résoudre structurellement la crise, vient pallier la défaillance du fournisseur historique vénézuélien.
Vente ou don: Le flou persistant autour des exportations de la compagnie pétrolière de l'État (Pemex) vers Cuba
Au Mexique, cette opération suscite une polémique politique. Les critiques sont cristallisées par Gasolina Bienestar, filiale de la compagnie pétrolière de l'État Pemex. Bien qu'elle soit financée par des fonds publics, cette entité dispose d'un statut de société privée, ce qui l'exempte, selon la loi mexicaine, des obligations de transparence habituelles. Interpellée sur l'opacité de ces contrats, la présidente Claudia Sheinbaum a défendu la structure de l'entreprise : “ Il ne s'agit pas d'une invention étrange du président López Obrador [son prédécesseur], mais d'une filiale ayant des objectifs spécifiques, comme le service aux communautés autochtones via des stations-service solidaires “. Toutefois, le gouvernement n'a toujours pas précisé si les 80 000 barils envoyés constituaient une vente commerciale ou un don humanitaire. Au premier trimestre 2023, cette filiale déclara des exportations vers Cuba d'environ 360 millions de dollars, un montant considérable pour une entreprise dont les principales activités ne relèvent plus de son activité nationale officielle.
Le Mexique, relais stratégique face au blocus naval américain
L'intervention mexicaine est d'autant plus stratégique que les circuits traditionnels d'approvisionnement sont sous pression. L'administration américaine a récemment déployé des moyens militaires dans les Caraïbes pour faire respecter les sanctions contre le régime de Nicolas Maduro. La saisie récente du pétrolier Skipper par les forces américaines a envoyé un signal fort : le transport de pétrole vénézuélien vers Cuba est désormais une opération à haut risque. C'est ainsi que l'on révèle les circuits complexes de revente : une partie de la cargaison du Skipper est destinée à la Chine pour se procurer les appareils, alors que le reste devait alimenter les raffineries cubaines. Face à cette menace de blocus de fait, le Mexique se positionne comme un relais incontournable. En utilisant des navires battant pavillon libérien et une filiale privée, le Mexique tente de naviguer dans les eaux troubles de la diplomatie énergétique, entraînant potentiellement une confrontation directe avec Washington tout en maintenant ses engagements envers son cubain.
Une séquence symbolique mais insuffisante face à l'abîme énergétique cubain
Malgré l'aspect “ providentiel “ de cette livraison, le constat demeure amer pour La Havane. Les 80 000 barils envoyés par le Mexique ne couvrent même pas une journée complète de la consommation théorique de l'île. Avec une dette de Pemex qui figure parmi les compagnies pétrolières les plus endettées au monde, la capacité du Mexique à soutenir Cuba sur le long terme pose question. Cette situation illustre l'extrême vulnérabilité de Cuba, prise en étau entre une infrastructure énergétique nationale obsolète et une dépendance totale envers tous les pays, sous pression diplomatique ou financière.
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