Le silence de courte durée du jihadiste Peter Cherif à son procès

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Le vétéran d’origine guadeloupéenne, du jihad Peter Cherif, qui avait refusé mardi matin de s’exprimer devant la cour d’assises spéciale de Paris, a rapidement infléchi sa position après le témoignage accablant d’une ex-compagne, faisant acte de contrition tout en contestant les accusations portées contre lui.

Alors que cette deuxième journée d’audience était consacrée à retracer son parcours de vie, l’accusé, jugé notamment pour son rôle auprès de l’un des assaillants du journal satirique Charlie Hebdo en 2015, a dans la matinée choisi de garder le silence, expliquant ne pas avoir les capacités de s’exprimer « face à un auditoire aussi conséquent » alors qu’il est placé à l’isolement depuis six ans.

Mais un témoignage dans l’après-midi d’une femme avec laquelle il s’est marié religieusement en 2009 a fait voler en éclat cette position.

A la barre, cette femme de 32 ans, soeur du défunt Boubakeur El-Hakim, l’un des chefs français de l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, raconte l’enfer vécu pendant les quelques mois de leur union, alors qu’elle était encore mineure. Peter Cherif n’est cependant pas jugé pour ces faits.

« J’ai été déscolarisée à 11 ans par mon frère Boubakeur El-Hakim, un très cher ami de Peter Cherif », entame Fatma A., indiquant avoir été contrainte de porter le voile intégral et ne pas avoir eu l’autorisation de sortir de la maison familiale.

Quand elle est âgée de 16 ans, ce frère aîné l’oblige à se marier religieusement à Peter Cherif.

« Violée, battue, séquestrée »

« Il m’a violée, me battait, m’a séquestrée », résume entre deux sanglots cette femme aujourd’hui mère de famille, racontant avoir été enfermée pendant quelques mois dans une chambre de l’appartement de la mère de Peter Cherif, avant de réussir à s’en échapper le 31 décembre 2009.

S’ensuit une période où elle sombre dans l’alcool et la drogue.

Mais « j’ai une très belle vie aujourd’hui », assure cette brune aux cheveux longs noués en queue de cheval, traitant son frère et son ancien époux religieux de « pourritures » qui ont « bousillé l’islam ».

Et « même s’il se fait passer pour une personne qui a changé aujourd’hui, (…) je n’y crois pas une seconde », lance-t-elle. Elle raille la tenue de l’accusé, vêtu d’un costume-cravate dans le box. « En costume? Non mais c’est une blague! Ouah, quelle intégrité! ».

Invité à réagir aux déclarations de Fatma A., Peter Cherif rompt avec son mutisme du matin. « Je conteste les faits, cependant je reconnais sa douleur et elle est justifiée », dit-il.

« Je souhaiterai lui dire directement que je la remercie d’être venue, d’avoir été sincère, d’avoir employé les mots comme il fallait, de ne pas m’avoir fait de cadeau », poursuit-il, affirmant présenter ses « excuses » pour son comportement pendant cette union.

« Au regard de tout mon passé, au regard de tout ce temps que j’ai passé en détention, à mes lectures, à l’enseignement que je poursuis dans cette prison, il est obligatoire pour moi aujourd’hui de condamner ce passé, le personnage que j’ai été », assure-t-il.

Mais pour autant, l’accusé nie avoir violé ou battu Fatma A., reconnaissant tout juste lui avoir « imposé le voile ».

Le jihadiste âgé de 42 ans est jugé par la cour d’assises spécialement composée, pour association de malfaiteurs terroriste criminelle entre 2011 et 2018, période de sa présence au Yémen au sein d’Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa), ainsi que pour la séquestration en bande organisée en 2011, pendant plus de cinq mois, de trois humanitaires français.

Mais c’est surtout sa potentielle implication dans la tuerie commise à Paris dans les locaux du journal Charlie Hebdo par les frères Chérif et Saïd Kouachi le 7 janvier 2015, qui est au coeur du procès.

Les juges d’instruction français estiment qu’il a « facilité l’intégration au sein d’Aqpa d’un des frères Kouachi, très probablement Chérif », et qu’il avait « connaissance » de « la mission » de perpétrer un attentat en France confiée à son ami d’enfance lors d’un court séjour à l’été 2011 au Yémen.

Au premier jour du procès, l’accusé a indiqué ne pas reconnaitre les faits qui lui étaient reprochés.