Les rencontres territoriales des Antilles et de la Guyane ont commencé hier et se poursuivent aujourd'hui au WTC de Jarry, en Guadeloupe. Tables rondes et ateliers sont organisés pour échanger sur la transition écologique.
«C'est la première fois que je viens aux Antilles », confie dans son discours d'ouverture, Yohann Nédélec, le président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), l'organisme en charge de la formation professionnelle des agents territoriaux. L'adjoint au maire de Brest en Bretagne élu à la présidence du CNFPT en avril dernier poursuit le dialogue avec les collectivités territoriales en Guadeloupe, où il est venu échanger autour du thème suivant : « La transition écologique : quels enjeux, quelles transformations ? »
Comment répondre aux impératifs ?
Si les rencontres et ateliers interactifs ont lieu sur deux jours, les 5 et 6 novembre au WTC de Jarry, le ton a été donné dès la première table ronde par Lucien Alexander, conseiller territorial de Guyane, Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe, Xavier Lédée, président de la collectivité de Saint-Barthélemy, Dominique Louisy, vice-présidente de la collectivité de Saint-Martin, Jean-Luc Perian, conseiller départemental de la Guadeloupe et Lucien Saliber, président de l'Assemblée de Martinique.
Aux Antilles et en Guyane, visiteurs, résidents permanents ou natifs-natals, tous sont interpellés bien au-delà de la beauté des paysages, des décors de carte postale, car les chiffres sont alarmants. Il y a urgence et les intervenants locaux en ont conscience.
Ary Chalus évoque l'érosion du littoral, le blanchissement des coraux et réitère l'objectif à atteindre à une échéance dans les six prochaines années : « développer une autonomie énergétique », tandis que la Saint-Martinoise Dominique Louisy - qui ne manque pas de remarquer qu'elle est la seule femme parmi les intervenants -, souligne la menace permanente que constituent les cyclones et les autres risques naturels.
« À Saint-Martin, l'idée de déplacer des populations a causé de vives réactions. Aussi, nous avons opté pour la safe room (pièce de survie) qui peut permettre à tout un chacun de se protéger en cas de cyclone violent tel qu'Irma, qui a été dramatique pour certaines familles. À présent, il est obligatoire de s'équiper d'une safe room plutôt que de déplacer des populations parce qu'il n'est pas certain que Marigot ou Grand-Case par exemple puissent absorber ce surplus d'habitants », explique Dominique Louisy.
Aussi pour sa première venue, le président du CFNPT est mis face aux réalités et contraintes locales. Certes, l'implication de chaque acteur de la société est relevée, mais c'est surtout l'État qui est ciblé. « Nous luttons pour le désenclavement de notre territoire afin qu'il y ait des routes ou des voies ferrées nous permettant d'accéder aux différentes communes uniquement accessibles par voie fluviale ou aérienne », explique le Guyanais, Lucien Alexander.
« Or en cette période, le fleuve n'est pas navigable et l'avion coûte très cher. Cela impacte le prix des marchandises. Ainsi, la vie chère entre en ligne de compte. Par conséquent, dans la suite de notre mandature, nous devons lutter pour que l'État assume ses responsabilités », ajoute-t-il.
Déchets accumulés
Si la gestion des déchets a récemment fait l'objet d'une rencontre intercaribéenne pour une cohésion des forces au niveau régional, dans l'environnement direct de la Guadeloupe, cette problématique a aussi été évoquée au cours de la table ronde établissant le lien entre l'obsolescence programmée et la vie chère.
« En Martinique, 76 000 personnes, soit près d'un tiers de la population, vivent sous le seuil de pauvreté. Il faut les aider, faire en sorte qu'elles accèdent aux équipements ménagers. Mais, ces appareils ont une durée de vie beaucoup plus courte parce qu'en raison du prix, il faut jouer sur la qualité. En conséquence, la durée de vie de ces équipements étant plus courte, le montant des déchets ne cesse d'augmenter. Or nous n'avons pas les moyens de financer le traitement de ces déchets puisque chaque année, nous avons une augmentation du volume des déchets que nous devons traiter », ajoute Lucien Saliber.
Lucien Saliber, président de l'Assemblée de Martinique
« Il faut que les sargasses soient traitées en haute mer, car cela relève de la responsabilité de l'État. Or nous avons créé un Groupement d'intérêt public (GIP) sous l'égide de l'État. Il a pour objectif de récupérer en amont les sargasses parce qu'une fois sur les côtes, elles doivent alors être gérées par la ville et représentent un risque sur la santé des individus. Et demain, c'est celui qui n'a pas prélevé les sargasses qui pourra être poursuivi, à savoir le maire. Nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais celle-ci n'a pas été posée par nous. »
« Nous représentons 92 % de la biodiversité française, mais qu'est-ce que ça nous rapporte ? »
Le Martiniquais Lucien Saliber souligne les similitudes entre les problématiques des Guadeloupéens, des Saint-Martinois, des Barthéloméens, des Guyanais et des Martiniquais. Le président de l'Assemblée de Martinique pose alors la question fatidique : « nous représentons 92 % de la biodiversité française, mais qu'est-ce que ça nous rapporte ? »
« Après tout, nous nous retrouvons seuls devant un certain nombre de difficultés et sommes dépourvus des moyens financiers qui nous permettraient d'y répondre. À titre d'exemple, la commune côtière du Prêcheur en Martinique doit être entièrement reconstruite. En juillet dernier, la houle de l'ouragan Beryl nous a touchés et toutes les maisons du littoral ont été emportées par la mer. Par conséquent, il nous faut absolument préparer et protéger notre population. Nous nous battons pour obtenir des permis de construire, sans y parvenir. Nous demandons des fonds chaque année, pourtant nous aurons 200 millions d'euros de moins cette année. Comment pouvons-nous, dans un tel contexte, arriver à réaliser des choses ? », poursuit-il.