L’Etat condamné pour avoir tardé à organiser l’éducation à la sexualité, des associations restent inquiètes
L'Etat a été condamné à un euro symbolique pour avoir tardé à organiser les séances d'information et d'éducation à la sexualité à l'école, prévues par une loi de 2001. Malgré la récente publication d'un programme, elles restent très peu appliquées, dénoncent des associations.
Saisi en mars 2023 par le Planning Familial, le Sidaction et SOS Homophobie, le tribunal administratif de Paris " constate que l'Etat a, jusqu'en février 2025, manqué à son obligation d'organiser les séances d'information et d'éducation à la sexualité " prévues par une loi de 2001, a-t-il indiqué dans un communiqué mardi.
Il rappelle qu'une " information et une éducation à la sexualité doivent être dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d'au moins trois séances annuelles, par groupes d'âge homogène. "
Mais selon le tribunal, cette mission n'a " pas été assurée de façon systématique " et " le ministre chargé de l'Education nationale n'avait pas prévu, dans un délai raisonnable (...) les mesures propres pour en assurer l'effectivité ".
Le ministère s'est défendu en faisant valoir notamment " la sensibilité du sujet et les controverses qu'il suscite ", peut-on lire dans le jugement, qui balaie cet argument et conclut que ces " obstacles allégués " ne sont pas de nature à " exonérer l'Etat de sa responsabilité ".
Cette carence constitue " une faute " selon le tribunal, qui a condamné l'Etat à payer un euro symbolique, réclamé par les associations, " en réparation de leur préjudice moral ".
La loi de 2001, contestée par une partie de la droite et des milieux conservateurs, a été précisée en février 2025, avec la publication officielle d'un programme d'éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars) qui prévoit un apprentissage en plusieurs étapes: une éducation à la vie affective et relationnelle pour l'école maternelle et l'école élémentaire, et une éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité pour le collège et le lycée.
Pour le tribunal, l'arrêté et la circulaire de février ont " fixé " et " précisé " la mise en oeuvre de l'Evars, de sorte qu'il n'est " pas établi que le comportement fautif " de l'Etat perdure.
" Victoire majeure "
Le jugement de mardi " constitue une victoire majeure " et " confirme ce que nos associations documentent depuis des années: une politique publique insuffisante, sans pilotage, sans formation adéquate, et largement ignorée dans les établissements scolaires ", ont salué dans un communiqué commun Le Planning familial, SOS Homophobie et le Sidaction.
Elles déplorent néanmoins que le tribunal ait rejeté leur demande d'injonction visant à contraindre l'Etat " à appliquer pleinement la loi ".
" La non-application persiste ", écrivent-elles, assurant que " moins de 15% des élèves bénéficient des séances obligatoires ".
En 2021, un rapport de l'Inspection générale de l'Education avait admis que l'objectif de la loi " n'(était) à l'évidence pas réalisé ".
Selon les avocats des associations, Pierre Rosin et Maud Angliviel, " sans cette procédure, il est clair que l'inaction de l'Etat aurait continué. "
" Il y a des générations entières qui n'ont pas pu en bénéficier et on voit aujourd'hui les résultats en termes de violences faites aux femmes, de LGBTphobies et d'accès aux droits et à la connaissance de son corps ", a réagi auprès de l'AFP Sarah Durocher, présidente du Planning Familial.
Selon Hélène Roger, directrice analyses et plaidoyer de Sidaction, le " manque d'information " sur la sexualité fait que les " jeunes vont chercher des réponses où ils peuvent, notamment sur internet et sur les réseaux sociaux où ils peuvent être exposés à des discours masculinistes dangereux ".
" On reste méfiant, il va falloir des moyens, des formations ", a prévenu Julia Torlet, présidente de SOS Homophobie.
" Le tribunal considère que la situation actuelle (...) est satisfaisante, mais qu'elle ne l'a pas été par le passé. L'action engagée depuis début 2025 démontre la détermination de l'Etat à garantir pleinement ce droit essentiel pour tous les élèves ", a réagi, sollicité par l'AFP, le ministère de l'Education nationale.
Le ministère affirme que le déploiement des programmes est " en cours ", avec une " formation des personnels dès le printemps " dernier, et promet un " suivi " afin notamment de " mesurer le nombre de séances effectuées " par les élèves et une " évaluation complète " en fin d'année scolaire.