Maria Corina Machado, Prix Nobel de la paix 2025 : une lauréate fantôme à Oslo

Le prix le plus prestigieux du monde est resté sans son héroïne principale. Maria Corina Machado, 58 ans, figure de proue de la droite radicale vénézuélienne, a été officiellement distinguée par le comité Nobel le 10 octobre. Mais mercredi, dans la grande salle de l'hôtel de ville d'Oslo où étaient présents le président argentin Javier Milei et d'autres dirigeants latino-américains proches de l'orbite idéologique de Donald Trump, c'est un siège qui était vide à la place de la lauréate.

C'est sa fille, Ana Corina Sosa Machado, qui a dû incarner sa mère devant l'assistance. Elle a reçu la médaille d'or et lu avec émotion le discours préparé par Maria Corina Machado. Un texte sans concession : la lauréate y a dénoncé " des crimes contre l'humanité documentés par les Nations unies " et " un terrorisme d'État déployé pour étouffer la volonté du peuple " au Venezuela. " Pour avoir la démocratie, nous devons être prêts à nous battre pour la liberté ", a-t-elle fait déclarer par sa fille, adressant un message de résistance à Nicolas Maduro, réélu en 2024 lors d'un scrutin jugé frauduleux par une large partie de la communauté internationale.

L'impossible voyage d'une " fugitive "

L'absence de Machado n'est pas une surprise, mais elle souligne l'étau qui se resserre autour d'elle. Entrée dans la clandestinité en août 2024 après avoir été empêchée de se présenter à la présidentielle, elle est considérée comme " fugitive " par les autorités de Caracas si elle quitte le territoire. Le procureur général vénézuélien, Tarek William Saab, l'accuse d'" actes de conspiration, d'incitation à la haine et de terrorisme ". Dans un appel audio au président du comité Nobel, une voix empreinte de tristesse a expliqué : " Tant de personnes ont risqué leur vie pour que je puisse arriver à Oslo. "

Le comité Nobel lance un ultimatum à Maduro

La cérémonie s'est transformée en tribune politique. Le président du comité Nobel, Jorgen Watne Frydnes, a directement interpellé le dirigeant vénézuélien, sous les applaudissements nourris de l'assistance : " M. Maduro, acceptez les résultats de l'élection et retirez-vous. " Un soutien clair à la thèse de l'opposition, qui affirme que son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia présent à Oslo, a remporté le scrutin de 2024. Ce prix Nobel sonne comme une légitimation internationale de la lutte contre ce qui est décrit comme une dérive autoritaire.

Le dilemme est désormais total pour Maria Corina Machado. Si sa fille a assuré qu'elle rentrerait " très bientôt " au pays, les risques sont immenses. " Elle risque d'être arrêtée si elle rentre ", explique Benedicte Bull, spécialiste de l'Amérique latine à l'Université d'Oslo. Mais rester en exil comporte un autre danger : " Elle perdra progressivement de son influence politique. " Son dernier apparition publique remonte au 9 janvier 2025, lors d'une manifestation à Caracas. Son avenir, comme celui de l'opposition vénézuélienne, semble plus incertain que jamais.

Un prix aux résonances géopolitiques explosives

La remise de ce Nobel coïncide avec une escalade des tensions dans la région. Les États-Unis ont déployé un important dispositif militaire dans les Caraïbes, opérations que Machado a jugées " justifiées ". Nicolas Maduro y voit, quant à lui, une manœuvre pour le renverser et s'emparer du pétrole vénézuélien. En décernant ce prix à une opposante ouvertement proche de Donald Trump, le comité Nobel a indéniablement jeté une lumière crue sur les fractures idéologiques qui déchirent l'Amérique latine et sur l'intense bataille d'influence qui s'y joue. À Oslo, des manifestations pour et contre la lauréate rappelaient que son combat, salué comme héroïque par les uns, est perçu comme une menace par les autres.