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Mayotte : l’UNICEF tire la sonnette d’alarme sur l’enfance oubliée

10 December 2025
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Un an après le passage du cyclone Chido, l'UNICEF France publie un réquisitoire accablant contre la gestion de la crise mahoraise. L'organisation dénonce une reconstruction qui néglige les dizaines de milliers d'enfants de l'île, plongés dans une précarité alarmante aggravée par l'absence de vision politique.

Le diagnostic de l'UNICEF France est sans équivoque. Dans son rapport “Grandir à Mayotte, la situation des droits de l'enfant après Chido”, l'organisation internationale pointe du doigt les défaillances structurelles d'un territoire déjà fragilisé avant la catastrophe naturelle. Lucile Grosjean, qui dirige le plaidoyer et la communication de l'organisme, résume la situation en quelques mots : le cyclone n'a fait qu'aggraver des problèmes préexistants et multiplier les urgences auxquelles sont confrontés les plus jeunes.

L'absence de statistiques précises et récentes constitue le premier obstacle identifié par les enquêteurs. Impossible dans ces conditions d'élaborer des mesures efficaces et ciblées. L'UNICEF plaide pour une refonte complète de l'approche gouvernementale, centrée sur les besoins réels des mineurs et prenant en compte les réalités socio-économiques qui déterminent l'avenir de l'archipel.

La scolarisation, un droit bafoué pour des milliers de jeunes Mahorais

Les chiffres révélés par le rapport glacent le sang. Plusieurs milliers d'enfants – les estimations oscillent entre 5 000 et 9 000 – seraient aujourd'hui exclus du système éducatif mahorais. Pour la responsable de l'UNICEF, cette situation constitue une anomalie insupportable dans un territoire français, d'autant qu'elle hypothèque gravement les perspectives de développement local.

La critique vise directement les choix législatifs récents. Le texte sur la refondation de Mayotte, validé en commission parlementaire durant l'été, fait l'objet de vives réserves. L'UNICEF lui reproche d'avoir mis l'accent sur les questions sécuritaires et la démolition des bidonvilles, occultant totalement la dimension éducative et sociale. Cette orientation avait déjà suscité l'incompréhension d'Adeline Hazan, présidente de l'organisation, qui s'interrogeait publiquement sur la possibilité de rebâtir un territoire sans s'intéresser à sa jeunesse.

La rétention des mineurs migrants, une pratique dénoncée

Le sort des enfants étrangers constitue l'autre angle mort des politiques publiques selon le rapport. Victimes de durcissements successifs du droit à la nationalité, ces jeunes évoluent dans un flou juridique permanent qui les maintient en marge de la société. L'UNICEF exige la suppression pure et simple des dispositions dérogatoires qui les discriminent en matière de logement et d'accès aux droits fondamentaux.

Le chiffre qui illustre le mieux cette dérive : en 2024, Mayotte a concentré à elle seule 1 800 placements de mineurs en centre de rétention, soit l'intégralité des enfermements d'enfants recensés sur le territoire national. Pire encore, la législation de 2024 interdisant la détention des moins de 16 ans ne s'appliquera pas avant 2028 dans l'archipel. Un délai jugé inacceptable par l'organisation, qui rappelle les condamnations répétées de la France par la justice européenne pour ces pratiques qualifiées de traitement “inhumain et dégradant”.

L'impréparation face aux catastrophes naturelles mise à nu

Au-delà de l'urgence sociale, le rapport pointe les lacunes françaises en matière de gestion de crise climatique. Lucile Grosjean, forte de son expérience sur d'autres zones sinistrées, constate que l'Hexagone a encore beaucoup à apprendre. Les événements de décembre ont démontré les failles dans la chaîne de commandement et l'information des populations face aux catastrophes naturelles. 

 

L'UNICEF formule plusieurs exigences : repositionner systématiquement les besoins des enfants au centre des décisions politiques, améliorer drastiquement la collecte d'informations sur la jeunesse mahoraise, et développer une véritable culture de la prévention face aux bouleversements climatiques. Des préconisations qui, selon l'organisation, conditionnent la capacité de Mayotte à offrir un avenir digne à sa population la plus vulnérable.​