Réparer ou geler: en Ukraine, les employés des centrales face aux bombes russes
Une journée de novembre en Ukraine. Il fait zéro degré. Un nouveau bombardement russe vient d'endommager une centrale électrique. Dmytro sait que son équipe doit agir vite. Le chauffage des localités voisines en dépend.
"Les gens sont en train de geler. Donc on essaye de tout rétablir dès que possible et au moins de leur fournir de la chaleur", explique cet ingénieur de 41 ans, dans sa blouse de travail jaune et grise.
Quelques jours après cette attaque, il s'est entretenu avec l'AFP dans sa centrale thermique, dont la compagnie énergétique a souhaité que l'emplacement ne soit pas précisé.
Moscou a intensifié ses attaques sur les infrastructures énergétiques de l'Ukraine ces dernières semaines, plongeant des centaines de milliers de personnes dans le noir alors que l'hiver s'installe avec son lot de gel et de flocons.
Selon Kiev, ces attaques visent à paralyser son réseau énergétique et à saper le moral des Ukrainiens tout au long de l'hiver.
90% endommagés
Ce sont des travailleurs comme Dmytro qui sont chargés de remettre en service les centrales électriques ukrainiennes endommagées après les attaques russes.
Ses collègues et lui sont sous pression. Depuis le début de l'année, Moscou a mené 11 attaques massives sur le réseau civil ukrainien, selon l'opérateur national Ukrenergo.
Si Moscou a reconnu frapper les infrastructures énergétiques de son voisin, elle affirme qu'il s'agit de cibles légitimes car elles "soutiennent les entreprises de l'industrie de la défense ukrainienne".
Selon DTEK, le fournisseur d'énergie ukrainien qui a fait visiter à l'AFP la centrale électrique touchée, ses centrales ont été attaquées près de 200 fois depuis le début de l'invasion en 2022, par des frappes qui ont endommagé environ 90% de leurs capacités de production.
Au total, après bientôt trois ans d'attaque incessantes, trois de leurs travailleurs en été tués et 56 autres blessés.
Dans la centrale endommagée, la neige tombe à travers les trous béants dans le toit, causés par les attaques, et blanchit certaines des turbines rouillées.
"J'ai donné toute ma vie à ce travail, alors c'est dommage de regarder cette centrale maintenant, de voir l'état dans lequel elle se trouve", se désole Dmytro.
Lumière et chaleur
Alors qu'ils tentent de couvrir les fenêtres détruites avec des plaques de bois, les travailleurs essayent de se réchauffer au-dessus d'un petit poêle, pas suffisant contre le froid mordant.
Evgen était assis dans la salle de contrôle lorsque sa centrale a été touchée pour la dernière fois, lors d'une attaque à l'aide d'armes à sous-munitions, qui explosent en plein vol et dispersent des projectiles sur une large zone.
Il a ordonné à tout le monde de se mettre à l'abri, mais est resté à son poste, car il pensait que la station ne pourrait pas fonctionner seule.
"Vous ne pouvez pas laisser l'équipement seul. Tout le monde veut avoir de la lumière et de la chaleur chez soi", explique Evguen à l'AFP.
Selon Viktor Zintchenko, directeur de la communication chez DTEK Energy, les travailleurs "comprennent l'importance de la lumière, l'importance de la chaleur, ils comprennent l'importance d'un système énergétique stable pour tous les Ukrainiens".
Lors d'une attaque, Dmytro a éteint seul l'incendie sur le toit de l'usine, malgré le risque d'effondrement. "Je l'ai fait automatiquement, il fallait le faire, je n'ai pas réfléchi", dit-il à l'AFP.
"Si je ne l'avais pas fait, je savais que le toit aurait brûlé complètement et ça aurait été encore plus difficile à réparer", conclut-il.
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