Ursula von der Leyen à Montevideo pour faire avancer l’accord UE-Mercosur, signature «inacceptable» pour Macron
Ursula von der Leyen est arrivée au sommet des pays du Mercosur qui s'est ouvert jeudi à Montevideo pour faire avancer l'accord de libre-échange avec l'UE, en discussions depuis plus de 20 ans. Avant son arrivée, Emmanuel Macron lui a "redit" qu'une signature est "inacceptable en l'état".
"Atterrissage en Amérique latine. La ligne d'arrivée de l'accord UE-Mercosur est en vue. Travaillons ensemble, franchissons-la", a écrit sur X la présidente de la Commission européenne qui a fait une escale a Sao Paulo, au Brésil.
Selon l'UE à Montevideo, elle donnera vendredi (09H30 locales, 12H30 GMT) une conférence de presse conjointe avec les présidents de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay, membres fondateurs du Mercosur.
Jeudi, ce sont les ministres des Affaires étrangères du bloc économique sud-américain qui ont officiellement ouvert le sommet de deux jours, après une réunion bilatérale entre le ministre uruguayen des Affaires étrangères, Omar Paganini, et le nouveau commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic.
"Nous avons passé en revue la situation des négociations dans l'Union européenne et nous sommes parvenus à un texte d'accord commun", a déclaré M. Paganini à la presse.
Selon lui, "la présence de Mme Von der Leyen montre le succès d'un processus de négociation et le soutien à l'étape finale. Espérons que nous pourrons franchir les étapes restantes, qui sont très peu nombreuses, car le texte existe déjà", a-t-il ajouté.
Dans un appel téléphonique jeudi matin, Emmanuel Macron a pourtant "redit" à Mme von der Leyen que le projet d'accord commercial était "inacceptable en l'état", a affirmé l'Elysée. "Nous continuerons de défendre sans relâche notre souveraineté agricole", a ajouté la présidence française sur X.
Une source diplomatique française a estimé auprès de l'AFP que la présidente de la Commission "prend une responsabilité et un risque" si elle conclut les négociations. "Le contenu final de l'accord négocié n'a encore été présenté à aucun État membre" de l'UE, a ajouté cette source. La Commission "devra juridiquement obtenir l'accord du Conseil", qui réunit les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Sept, "pour être autorisée à le signer".
"Pas la fin de l'histoire"
En vertu des traités européens, la Commission est seule négociatrice des accords commerciaux au nom des Vingt-Sept. Une fois un éventuel texte signé avec les pays du Mercosur, elle devra obtenir sa ratification en gagnant l'approbation d'au moins 15 États membres représentant 65% de la population de l'UE, puis en réunissant une majorité au Parlement européen.
A Paris, on fait valoir qu'"à ce stade, c'est une finalisation des discussions au niveau des négociateurs", "ce n'est ni la signature, ni la conclusion de l'accord", souligne la source diplomatique française : "Ce n'est donc pas la fin de l'histoire".
"Plusieurs pays européens ont exprimé les mêmes réserves que la France, en particulier sur l'agriculture et les normes sanitaires. La France n'est donc pas seule", insiste-t-on.
Après le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui a emboîté le pas du président Macron affirmant qu'il n'accepterait pas le projet "sous cette forme", l'Italie a rejoint le front du refus, tout comme l'Autriche ou les Pays-Bas qui ont déjà exprimé leurs réticences.
"Les conditions ne sont pas réunies" pour signer en l'état l'accord, ont indiqué jeudi des sources gouvernementales italiennes.
Pour empêcher l'adoption du texte, la France a besoin de rallier trois autres pays représentant plus de 35% de la population de l'UE, un seuil qui serait aisément franchi avec l'appui de Rome et Varsovie.
"Profits des entreprises"
Le projet de traité vise à supprimer la majorité des droits de douane entre l'Union européenne et le Mercosur afin de créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs.
Il s'agirait du "plus grand partenariat commercial et d’investissement jamais vu. Les deux régions en tireront profit", a affirmé Mme von der Leyen.
Un accord politique avait été conclu en juin 2019, mais jamais ratifié en raison des réticences de plusieurs pays, dont la France. Les détails n'ont jamais été dévoilés.
Une large majorité des États membres de l'UE, Allemagne et Espagne en tête, font désormais pression pour conclure la négociation au plus vite.
L'accord permettrait à l'UE, déjà premier partenaire commercial du Mercosur, d'exporter plus facilement ses voitures, machines et produits pharmaceutiques. De l'autre côté, il permettrait aux pays sud-américains concernés d'écouler vers l'Europe de la viande, du sucre, du riz, du miel, du soja...
En Europe, les partisans de l'accord soulignent le besoin de débouchés pour les exportateurs et la nécessité de ne pas laisser le champ libre à la Chine, rival avec qui les relations commerciales se sont considérablement tendues.
Une nécessité d'autant plus pressante avec le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui menace d'imposer des droits de douanes sur des produits européens.
Mais de nombreuses ONG et militants de gauche estiment que la création de cette vaste zone de libre-échange accélérerait la déforestation en Amazonie et aggraverait la crise climatique en augmentant les émissions de gaz à effet de serre.
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