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La CACL abandonne son projet de décharge à Quesnel et acte la recherche de nouveaux sites | Guyaweb, site d’information et d’investigation en Guyane

11 October 2024
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Vendredi 4 octobre en assemblée plénière, les élus de la Communauté d’agglomération du Centre Littoral (CACL) ont voté pour la recherche de nouveaux sites pour l’implantation de la future décharge, ou installation de stockage de déchets non-dangereux (ISDND). Cette décision enterre par ailleurs le projet d’implantation de décharge à Quesnel-Trois Rois, sur la commune de Macouria, lancé en 2021 par cette même mandature de la CACL. L’Agglo repart donc pour plusieurs années d’études et de travaux, alors que l’actuelle décharge des Maringouins déborde.

La pression politique aura finalement eu raison du projet d’implantation de la future décharge porté par la Communauté d’agglomération du Centre Littoral (CACL), devant se substituer à celle des Maringouins afin d’accueillir les 80 000 à 100 000 tonnes de déchets produits chaque année par les intercommunalités de l’Est (CCEG), du Centre littoral (CACL) et des Savanes (CCDS), soit 152 000 habitants.

Prévue à Quesnel-Trois Rois, sur la commune de Macouria, l’installation de stockage de déchets non-dangereux (ISDND) était vivement contestée par les riverains constitués en association, les agriculteurs du secteur, l’industriel Dilo et plus récemment l’association Trop Violans qui a bloqué la CACL le 20 septembre dernier.

Depuis plus de 20 ans, les élus de la CACL (quatre mandatures successives !) se cassent les dents sur ce dossier d’ISDND devant remplacer la décharge des Maringouins à Cayenne, saturée et ne pouvant plus s’étendre car entourée de marais.

Les premières études de recherche de nouveaux sites remontent à 1999. En 2005, une première délégation de service public (DSP) était signée pour ce projet d’ISDND, avant de capoter en l’absence de validation politique. En 2009, le terrain du Galion est mis à disposition par l’Etat pour y implanter la future décharge communautaire, mais l’aviation civile oppose son veto en 2012. Un « risque aviaire » est avancé par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) : les urubus attirés par les déchets de la décharge se trouveraient dans le passage des avions se posant à Félix-Eboué et feraient courir un risque aux appareils. En 2015, le projet du Galion est donc enterré et la CACL doit, entre autres, débourser 1,5 million d’euros pour la résiliation de la DSP.

La recherche de nouveaux sites est alors relancée : 70 sites entre Saint-Georges et Iracoubo sont étudiés durant deux ans d’études. En 2021, le choix du site de Quesnel est acté par la mandature actuelle de la CACL, présidée par Serge Smock le maire de Matoury. Une consultation en vue d’une délégation de service public pour l’enfouissement de déchets et une unité de valorisation – un incinérateur devant produire de l’électricité pour 10 000 foyers à partir des déchets sans jus – est lancée. Elle est signée en avril 2024 avec les entreprises Idex, Séché environnement et Gov’environnement.

Mais selon la CACL, la non-modification du Schéma d’aménagement régional (SAR)* par la Collectivité territoriale de Guyane bloque le projet. Pour éviter un arrêt total, Serge Smock demande d’entamer « dès juin 2024 » une prospection pour pouvoir trouver d’autres sites d’enfouissement. C’est cette proposition qui a été mise en délibération vendredi 4 octobre dernier en assemblée plénière de la CACL.

« C’est un soulagement »

Mis à part Teed Gaspard, qui s’est abstenu, l’ensemble des élus présents vendredi au siège de la CACL a voté en faveur de la recherche de nouveaux sites, enterrant par la même occasion le projet d’ISDND de Quesnel. « Ce sont des années de travail qui s’envolent aujourd’hui » a souligné Teed Gaspard, par ailleurs élu municipal de Matoury. « Combien a coûté et coûte au contribuable ce changement de site ? L’ennemi en Guyane est intérieur, car on n’arrive pas à s’entendre sur quelque chose qui est essentiel pour notre territoire. Politiquement, nous n’avons pas réussi ce défi alors que le site de Quesnel ne présente pas de problème technique.« 

La raison est donc bien politique, comme l’a souligné plusieurs fois le maire de Rémire-Montjoly, Claude Plenet. « Le dossier est sensible. Selon le DGS [de la CACL], il n’y a pas de risque sanitaire pour l’entreprise Dilo. Mais si on pollue la seule source d’eau exploitée en Guyane, que fait-on ? » a interrogé l’édile. Malheureusement, nous n’avons pu retrouver dans les archives de la CACL son vote en avril 2021 lors de l’adoption du projet d’ISDND à Quesnel, mais le maire de Rémire-Montjoly s’est clairement positionné contre ce vendredi.

Malgré une mobilisation des riverains enclenchée depuis plusieurs années, c’est bien la proximité de l’usine de pompage et d’embouteillage de Dilo qui aura fait pencher la balance. « C’est un soulagement, on a été entendu » s’est réjoui auprès de Guyaweb Georges Euzet, le directeur de l’usine Dilo.

Fondée en 1999 par l’ex-footballeur international Bernard Lama, l’entreprise qui emploie 19 personnes s’inquiétait de l’implantation du projet d’ISDND à 4,5 km de son site de pompage. Outre une éventuelle pollution, la direction craignait que cette proximité écorne l’image de Dilo. « S’il y a le moindre doute sur la qualité de nos produits, leur valeur s’effondre » s’alarmait M. Euzet en juin 2023.

Carole Amposta, présidente de l’Association de protection de l’environnement Quesnel-Trois Rois (Apeqt), s’est également félicitée de l’abandon du projet. « C’est la première fois en 7 ans que le curseur a bougé dans le bon sens. Cette issue est assez exceptionnelle et politique dans ce dossier sociétal, alors que depuis 4 ans tous les votes de la CACL étaient pour le projet.« 

Néanmoins, Carole Amposta regrette que ce revirement politique n’ait pas été dicté par les alertes des riverains, des agriculteurs, pour la protection de l’environnement et des eaux de surface ou même pour Dilo, « à qui la CACL ne répondait pas« .

Après avoir remporté une bataille, l’Apeqt restera cependant « très vigilante, car ils ont abandonné B4.3, mais l’incinérateur peut encore être installé à Quesnel« . Enfin, elle tacle au passage les maires de Macouria et de Montsinéry qui « ont brillé par leur absence » vendredi. Gilles Adelson n’était en effet pas présent à la plénière, mais il avait donné procuration. En revanche, ce n’était pas le cas pour Patrick Lecante.

Claude Plenet (2e à gauche), maire de Rémire-Montjoly et vice-président de la CACL, a plaidé contre l’implantation de la future décharge à Quesnel © Guyaweb

Quatre ans minimum avant d’entrer en service

« C’est du temps perdu » a déploré de son côté Kenny Chen-Tung, le vice-président de la commission environnement-déchets à la CACL. En effet, les élus sont désormais pressés de trouver un nouveau site car l’actuelle ISDND est saturée.

Plusieurs possibilités s’offrent à la CACL : la recherche d’un nouveau site, ce qui allongerait les délais car il faudrait monter le dossier et réaliser les expertises ad hoc ; ou l’étude d’un site déjà qualifié lors des précédentes prospections, auquel cas les délais seraient raccourcis de « 12 à 18 mois » a précisé Kenny Chen-Tung.

D’autant que le délégataire est déjà choisi, ce qui permettrait également de démarrer les travaux tout de suite, une fois le site acté. À condition de trouver les ajustements juridiques et économiques au présent contrat. Un bureau d’étude pour la recherche de nouveaux sites a aussi été désigné le 25 septembre selon la CACL. « Des travaux ont été faits sur la RN2 et donnent accès à des sites forestiers disqualifiés à l’époque » a également souligné en plénière le président de la CACL Serge Smock.

Néanmoins, l’enfouissement des déchets étant très encadré normativement, deux ans d’études, en saisons sèche et humide, seront nécessaires pour qualifier géologiquement et hydrologiquement le futur site d’implantation de l’ISDND. Un inventaire de la faune, de la flore et de la biodiversité est également obligatoire.

À cela s’ajoute le montage du dossier d’autorisation d’exploiter, qui dure environ huit mois. « En tout, nous avons besoin de trois ans minimum pour les autorisations de travaux, plus un an de travaux » a calculé le DGS de la CACL, Philippe Néron. La future décharge n’entrerait donc pas en service avant 2028.

En attendant, la durée de vie de la décharge des Maringouins sera de nouveau prolongée à grands frais. Quatre expansions ont déjà été réalisées entre 2009 et 2024 pour un montant de 34,5 millions d’euros d’argent public. Une cinquième extension (casier D) est en projet pour 10 millions d’euros supplémentaires afin de rallonger jusqu’à fin 2027 l’exploitation de la décharge des Maringouins.

Au grand dam de l’édile de Cayenne, Sandra Trochimara, qui a rappelé vendredi les enjeux de santé publique « alors que les Maringouins sont le réceptacle de tous les déchets et que sa capacité de stockage est limitée dans le temps ». En décembre 2022, la délégation sénatoriale aux Outre-mer publiait un rapport alarmant sur la gestion des déchets en Guyane, rappelant que localement, « la prévalence de la leptospirose, maladie bactérienne grave [transmise notamment par les rats], est 70 fois supérieure à la France hexagonale ».

« Si on ne fait que repousser, l’Etat va décider à un moment le site et faire le choix pour nous » a alerté vendredi Serge Smock. Une réunion en préfecture est d’ailleurs prévue le 9 octobre. Sans présager de ce qu’il s’y dira, le représentant de l’Etat devrait presser les élus locaux de se décider.

Outre le projet public de décharge de la CACL, un autre projet public-privé porté par Séché Environnement dans la zone agricole de Wayabo près de Kourou est toujours sur la table. Lui aussi est loin de faire l’unanimité et il serait « mal engagé » d’après une source bien placée dans la gestion des déchets.

Photo de Une : la collecte et la gestion des déchets relèvent des compétences de la CACL © Guyaweb

*La modification du SAR était un pré-requis à l’installation de la future zone de stockage de déchets non-dangereux à Macouria. La parcelle AT0003 sur laquelle était projetée la nouvelle ISDND est classée en tant qu’Espace forestier de développement (EFD) qui doit être maintenu dans sa vocation forestière, d’après le Code forestier. Afin de permettre la réalisation du projet, la parcelle AT0003 devait être reclassée en Espaces naturels de conservation durable (ENCD) via une modification du SAR. Ce qui a été plusieurs fois repoussé par la CTG, malgré une délibération prise dès février 2022.