CEOG : un comité de l’ONU somme la France de respecter le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones Guyaweb, site d’information et d’investigation en Guyane

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Le Comité onusien pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) exhorte la France à respecter les droits des peuples autochtones dans le projet contesté de Centrale électrique de l’Ouest guyanais (CEOG). Paris a jusqu’au 26 juin pour répondre aux « préoccupations » de l’instance de l’ONU, inquiète de « l’absence de consentement libre et éclairé » des villageois et d’un « recours excessif à la force par les forces de l’ordre« . Pour rappel, le chef du village de Prospérité Roland Sjabère avait saisi le Cerd.

Saisis le 15 mars dernier par le chef du village Prospérité Roland Sjabère, l’Organisation des nations autochtones de Guyane (Onag) et l’ONG International service for human rights (ISHR), basée à Genève, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, une instance onusienne, a appelé la semaine dernière la France à respecter les revendications de la communauté amérindienne Kali’na du village Prospérité qui conteste l’emplacement de la Centrale électrique de l’Ouest guyanais (CEOG) la privant de l’accès à ses terres.

Située à moins de deux kilomètres des premières maisons de Prospérité, la future centrale électrique, couplant énergie solaire et stockage d’hydrogène et devant fournir de l’électricité à 10 000 foyers, est jugée trop proche par les habitants du village. Depuis le lancement des travaux de la centrale en novembre 2022, entraînant le déboisement de 78 ha d’une forêt dont dépendent les habitants de Prospérité pour leur subsistance et dans laquelle ils pratiquent la chasse, la pêche et l’agriculture, de nombreuses actions sur le terrain et en justice ont été intentées par les villageois et leurs soutiens dans le but de déplacer le projet.

Déboutés par la justice administrative et pénale, les habitants se sont donc tournés vers l’ONU via un recours urgent afin d’internationaliser leur lutte contre la Centrale électrique de l’Ouest guyanais, dont la mise en service est prévue mi-2026. Les villageois de Prospérité souhaitent que les autorités françaises mettent fin à la construction de la centrale électrique sur son emplacement actuel.

Dans une lettre datée du 26 avril, mais publiée dans la nuit du 1er mai, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale répond à la demande des villageois et se dit « préoccupé » par le fait « qu’il n’y aurait pas eu de consultation ni de consentement libre, préalable et éclairé du peuple kali’na avant l’approbation du projet » ainsi que par « par l’impact négatif » du projet sur leurs terres, ressources et mode de vie traditionnel.

En effet, les terres concédées par l’Office national des forêts (ONF) à l’industriel Hydrogène de France (HDF) sont situées dans des zones sur lesquelles le peuple Kali’na dispose depuis 2020 d’un droit d’usage collectif lui permettant notamment de chasser. Outre cette importance économique, la forêt revêt également une importance culturelle majeure pour les habitants de Prospérité.

Ultimatum

Le comité, composé de 18 experts indépendants qui ne disposent d’aucun pouvoir de contrainte sur les États, se dit également préoccupé par « les allégations de recours excessif à la force par les forces de l’ordre, de détention, de poursuites judiciaires et de condamnations pénales à l’encontre de dirigeants et de membres du peuple kali’na » ainsi que d’atteinte à leur vie privée à cause du survol répété du village par des drones de surveillance.

Dans sa lettre, le Cerd explique qu’il « craint que les allégations reçues pourraient constituer un manquement aux obligations » de la France vis-à-vis de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et « une atteinte aux droits des peuples autochtones« . Le Comité demande à la France de lui fournir des informations avant le 26 juin sur les allégations des requérants, en particulier sur les mesures prises pour « protéger les droits de l’homme du peuple Kali’na » ainsi que sur celles adoptées ou envisagées pour modifier l’emplacement ou suspendre le projet « jusqu’à ce que le consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu des peuples autochtones affectés« . Paris a donc jusqu’au 26 juin pour répondre aux demandes non-contraignantes des Nations Unies.

Ce n’est pas la première fois que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale interpelle la France à propos de l’impact de projets industriels sur les lieux de vie des peuples autochtones de Guyane. En octobre 2018, une précédente requête en alerte rapide, déjà déposée par l’Onag, avait conduit le Comité à sommer le gouvernement français de respecter le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones impactés par le projet minier « Montagne d’or« , finalement enterré par Emmanuel Macron.

Photo de Une : les villageois du village Prospérité près de Saint-Laurent du Maroni ne sont pas opposés au projet de CEOG mais à son emplacement actuel, jugé trop proche des habitations © Philippine Orefice / Guyaweb