Le jugement du procès connexe à l’affaire des Grands Frères remis en délibéré

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Depuis ce matin se tient devant le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, le premier volet de l’affaire dite des Grands Frères, procédure incidente impliquant deux policiers, et deux détenus, dont l’un deux, Noël Daufour est l’un des personnages clés de l’affaire suscitée, portant sur l’organisation présumée des émeutes de fin 2021 en Guadeloupe.

Un homme tombant sous le coup d’un mandat d’arrêt pour violences avec arme, Jean-Luc Héron, 40 ans, interpellé à l’aéroport, à son retour de Guyane par le policer de la PAF(Police de l’Air et des Frontières) David Avillon, 47 ans, à qui il remet une sacoche. Le policier aux frontières transmet ladite sacoche à l’un de ses collègues d’un autre service, Didier Laurent, 47 ans également. Ce dernier remet à Noël Daufour, 41 ans, la besace qui semblait contenir un téléphone portable et 2 000 euros en liquide. Autant de contenant qui se sont volatilisés par la suite. La justice aurait voulu analyser ce téléphone. D’autant que ces faits remontent au 18 décembre 2021, soit juste après les émeutes ayant agitées les artères guadeloupéennes fin novembre et début décembre 2021. C’est ainsi que les quatre prévenus sont poursuivis soit pour soustraction de document ou objet concernant un crime ou un délit par personne concourant par ses fonctions à faire obstacle à la manifestation de la vérité et violation du secret professionnel pour l’un des deux policiers, Didier Laurent. Pour complicité concernant le second, David Avillon. Pour soustraction de document ou objet concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité envers Jean-Luc Héron et Noël Daufour.  

Le principal suspect du dossier des Grands Frères est toujours incarcéré en Martinique

Alors que ses trois autres coprévenus sont poursuivis et présents dans la salle numéro 3 du Palais de Justice de Pointe-à-Pitre, Noël Daufour intervient lui en visioconférence depuis le centre pénitentiaire de Ducos en Martinique. Il y est incarcéré par un juge de la Juridiction Interrégionale Spécialisée, dans le cadre cette fois-ci directement pour l’organisation supposée des émeutes de fin novembre et décembre 2021. Il a d’ailleurs été mis en examen, au même titre qu’une dizaine d’autres suspects pour association de malfaiteurs en bande organisée. Parmi eux, il reste le dernier à être derrière les barreaux, dans le cadre de la détention provisoire.   

Le contexte plus général des émeutes de 2021

Le policier Didier Laurent s’exprime de manière résolue à la barre, fier de rappeler ses différents états de service, poursuit ainsi sur le fond du dossier : “A partir du moment où une affaire revêt une connotation politique, les méthodes du travail policier, jusqu’alors entendues, sont remises en cause. C’est ainsi que Noël Daufour était l’un de mes contacts. Par rapport aux émeutes, il était d’ailleurs à considérer comme le meilleur contact humain dans les rues de Pointe-à-Pitre”. Le procureur, dans de longues réquisitions, replace lui aussi en perspective les émeutes de fin 2021. Et d’emblée, il souligne que qu’il n’y a pas de tolérance sur les pratiques que le policier a tenté de justifier. “les faits sont constitués, car il y a violation du secret professionnel et soustraction de document ou objet concernant un crime ou un délit pour empêcher  la manifestation de la vérité. Par ailleurs, concernant la réception et la transmission de la sacoche, il y a suspicions par la JIRS de trafic de stupéfiants”. Contre Laurent, il demande une peine de 30 mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé. Contre Avilon, 1 an d’emprisonnement avec sursis et 2 ans d’interdiction d’exercer. Envers Héron, 2 ans d’emprisonnement ferme et la même peine contre Daufour.   

“L’objectif est de les condamner”, selon la défense

Intervenant le premier pour la défense d’Avillon, Maître Pierre-Yves Chicot, également Maître de conférence à l’Université des Antilles, indique qu’il ne dira plus à ses étudiants que la justice ne dispose pas d’un pouvoir mais d’une autorité. Mais bien le contraire. Pour interpeller le tribunal : “La justice dispose visiblement du pouvoir d’enlever le pain de la bouche de mon client, privant ce policier d’exercer sa profession pendant deux ans. Pour une sacoche remise naïvement à un collègue. Il ne pourra donc pas continuer à payer les études de son fils. C’est de l’acharnement, car il n’y a pas de mesure. Car n’oubliez pas que ces hommes en uniformes et armés sont élevés au niveau de la rigueur” plaide-t-il. Pour la défense des trois autres coprévenus, Maître Lorenza Bourjac prend le relai.  “Dans ce dossier, il n’y aura visiblement pas de mesure. Il aurait fallu que les prévenus soient entendus avec équité. Mais il n’y en aura pas.” Et l’avocate s’en justifie.

Elle souligne la nature politique du dossier principal de l’organisation présumée des émeutes, baptisée affaire des Grands Frères. “Il faut que des têtes tombent. Donc vous ne pourrez pas regarder objectivement ce présent dossier” interpelle-t-elle les juges. “Ils sont soumis à la vindicte judiciaire. Mais ils doivent encore être présumés innocents. L’un de mes trois clients, Noël Daufour, est présenté par la justice comme un chef de gang et un trafiquant, qui risquerait de mettre la Martinique à feu et à sang. C’est sans doute pour cela qu’il est toujours incarcéré. Il n’a pu visiter que durant quelques heures sa fillette de 4 ans atteinte d’une tumeur au cerveau. L’absence d’escorte a été avancée. Dans ces dossiers, il n’y aura ni impartialité, ni équité”. Enfin, la robe noire se recentre sur la nature du présent dossier. “Mais qu’est-ce que ces quatre prévenus ont-ils voulu cacher à la justice avec la fameuse sacoche ?” interroge t-elle. Les trois juges n’ont pas vraiment réussi à répondre à cette question centrale, même au bout de toutes ces  heures de débats. 

Les trois juges n’ont pas vraiment réussi à répondre à cette question centrale, même au bout de 7 heures de débats. Et ils ont décidé de mettre leur jugement en délibéré au 21 mai prochain.