Les pêcheurs divisés autour de la fin du filet trémaille

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Ce jeudi 30 mai 2024, une délégation de pêcheurs menée par le syndicat FO et son secrétaire général Jean-Daniel Barvaut a demandé une audience en diligence au comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guadeloupe (CRPMEM). L’objet des débats, la fin des filets trémail, jugés dangereux pour la ressource. 

Le filet trémail est un engin de pêche qui permet de capturer les crustacés et fruits de mer qui vivent dans les coraux ou sont posés sur le plancher marin. L’ennui, c’est qu’ils sont au coeur des cauchemars des associations environnementales qui les accusent de ne pas être assez sélectifs. En effet, non seulement il capture des langoustes, mais aussi beaucoup de poissons, voire même des tortues. De plus, quand ils s’accrochent aux coraux, ces filets provoquent des dommages considérables. Ce sont ces raisons qui ont conduit à leur interdiction complète en Martinique.

La Guadeloupe suit le mouvement

Dans le même mouvement, la direction de la mer a demandé au CRPMEM de travailler, il y a près de trois ans, à un nouvel arrêté visant à interdire l’utilisation du filet trémail. De l’aveu même du comité, cette perspective a provoqué d’âpres débats au sein du conseil.

“Cela fait longtemps que l’on travaille sur le texte et pour nous, il a été très compliqué de trouver un équilibre. Si jamais on contraint, il faut des moyens de contrôler et une faille permettra toujours à des malins de détourner la réglementation. Nous pensons que l’interdiction totale, permettra à la ressource de se développer.” détaille un membre du comité.

Levée de bouclier chez les pêcheurs qui estiment que d’autres propositions peuvent être faites. Certains optent pour une interdiction similaire à celle en vigueur pour le lambi, c’est-à-dire interdire l’utilisation du trémail six mois sur l’an, d’autres demandent à ce qu’une interdiction pèse sur les ressources en tension. Mais ces propositions, en tout cas prononcées telles quelles ne permettent pas de protéger et de laisser se renouveler la ressource.

Un nouveau modèle

Pour contrer les effets pervers du trémaille traditionnel, les pêcheurs assurent que l’on peut adapter l’outil de manière à minimiser ses dégâts. Un nouveau modèle de filet, avec des mailles plus grandes permettrait de laisser passer la ressource immature ou non ciblée, comme les poissons. Ce filet serait aussi moins nocif pour les coraux.

Cette solution a semblé remporter le suffrage des pêcheurs présents. En effet, ce qu’ils ne veulent surtout pas c’est mettre fin à une activité, qui, visiblement représente une grande part dans leurs revenus annuels. 

“Il faut arriver à un consensus, on ne doit vivre, on doit nourir nos enfants, mais nous devons aussi montrer que nous sommes responsables et que nous ne détruisons pas le milieu qui nous fait vivre.” arrange un membre du collectif venu entendre les explications du comité. 

“J’entends votre colère messieurs, malgré tout, je vais aussi vous demander de remplir vos déclarations de pêche. À l’heure où je vous parle, j’ai 396 déclarations,  seulement 5 déclarent pratiquer cette activité plus de 100 jours dans l’année. Pour prendre les meilleurs décisions pour le milieu, nous avons besoin d’avoir des données à jour” rappelle au passage le président Charly Vincent.

Présents autour de la table, les représentants de institutions, telles que la direction de la mer, se sont, elles aussi montrées rassurantes.

“Si vous pouvez nous présenter un document des propositions écrites, nous pouvons ensuite les examiner dans le cadre de la réécriture de cet arrêté.” 

La profession encore divisée

Malgré tous les signaux positifs, les pêcheurs ont quitté la table encore très divisés. L’idée qu’ils puissent être accusés de détruire volontairement le milieu passe mal. De plus, l’affaire du chlordécone les a rendus sensibles aux annonces de l’État.

“Je tiens à dire que l’État a fermé les eaux du croissant bananier. Nous n’avons pas le droit d’y pêcher, malgré tout on nous avais promis d’être indemnisés. Nous n’avons rien vu venir, si bien que la profession à Capesterre-Belle-Eau s’est réduite de 50%. Si vous interdisez le trémail, et que par ailleurs on voit les plaisancier faire ce qu’ils veulent comme d’habitude, il ne faudra pas s’étonner des conséquences.” tempête un pêcheur capesterrien.

Pour Force Ouvrière, si on parle de protection de la ressource, alors, les pêcheurs ne sont pas les premiers à viser.

“Nous ne sommes absolument pas satisfaits de cette discussion. Nous ne comprenons absolument pas pourquoi les pêcheurs sont toujours les responsables, toujours ceux sur quoi pèse la pression. La vérité, c’est que la ressource est menacée par l’état de l’assainissement en Guadeloupe. Les rejets toxiques retombent tous dans la mer. Ce sont les élus qui devraient s’asseoir face à nous.” assène inlassablement Jean-Daniel Barvaut, secrétaire général FO. 

La promesse de remettre les choses à plat, cache mal le fait que le travail autour de l’écriture de l’arrêté n’en a pas fini de causer des remous.