Mercure : sur le Haut-Maroni, des taux de contamination dix fois plus élevés que les seuils légaux fixés par les autorités sanitaires Guyaweb, site d’information et d’investigation en Guyane

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Les résultats de prélèvements de cheveux effectués en février auprès d’habitants de plusieurs villages du Haut-Maroni révèlent des taux de mercure dix fois plus élevés que les seuils légaux fixés par la Haute autorité de santé, annoncent plusieurs associations engagées dans un recours en justice contre l’État pour « carences fautives » dans la lutte contre l’orpaillage illégal. 

Le Haut-Maroni empoisonné. Suite à une campagne de dépistage effectuée en février par les associations Wild Legal, Solidarité Guyane et l’Association wayana des victimes du mercure Haut-Maroni auprès d’une soixantaine d’habitants de villages situés en amont de Maripasoula, les résultats des échantillons montrent une contamination au mercure importante.

Ces prélèvements ont été envoyés pour analyse dans un laboratoire japonais du ministère de l’Environnement, basé à Minamata et spécialisé dans la détection du mercure. C’est dans cette ville que la convention internationale éponyme d’éradication du mercure a été adoptée, notamment par la France, en 2013. Les échantillons analysés par des experts « possèdent des taux de mercure allant jusqu’à 22,41 microgrammes par gramme de cheveux au village de Kayodé et 22,82 μg/g de cheveux au village de Taluen » indiquent dans un communiqué les associations précédemment citées.

Ces taux sont dix fois supérieurs aux normes sanitaires françaises et mettent en évidence la contamination des habitants du Haut-Maroni, exposés à des « risques accrus de problèmes neurologiques, de troubles cognitifs et d’autres complications médicales graves« . L’European Food Safety Authority (EFSA), qui a revu à la baisse en 2004 le seuil à ne pas dépasser chez l’adulte, en a fixé la valeur à 4,4 µg/g de cheveux. Chez les enfants de moins de six ans, la Haute autorité de santé recommande depuis 2017 de ne pas dépasser 1,5 microgramme de mercure par gramme de cheveux. La concentration capillaire pour les femmes enceintes est fixée à 2,5 µg/g de cheveux.

Le coupable de cet empoisonnement est tout désigné : l’orpaillage illégal, qui sévit dans la région depuis plus de 30 ans. Le recours au mercure pour agglomérer les paillettes d’or est en effet une pratique courante parmi les opérateurs clandestins. Il faut 1,2 kg de mercure pour agglomérer 1 kg d’or alluvionnaire. Une fois dans le milieu naturel, le mercure est notamment assimilé par les poissons et s’insinue dans la chaîne alimentaire, contaminant les populations. Douze tonnes de ce métal lourd, interdit en France depuis 2006, seraient reversées chaque année dans le milieu naturel d’après l’ONG Wild Legal. Des chiffres corroborés par le directeur du Parc amazonien de Guyane lors d’un entretien réalisé en janvier.

« Face à cette situation critique, nous appelons les autorités locales et nationales à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à l’orpaillage illégal dans la région du Haut-Maroni. Les associations alertent depuis des dizaines d’années et mènent avec leurs moyens des campagnes de dépistage pour informer la population sur leur exposition au mercure, il est donc édifiant qu’il faille attendre 2025, selon les annonces de l’ARS Guyane, pour la mise en place d’un programme pilote de dépistage systématique sur Maripasoula qui ne ciblera que les femmes enceintes et leurs jeunes enfants, alors que cette situation concerne tous les enfants » déplorent Wild Legal, Solidarité Guyane et l’Association des victimes du mercure Haut-Maroni, les Jeunesses autochtones et Maïouri Nature Guyane.

Un dépistage systématique de l’imprégnation au mercure des femmes enceintes et des enfants jusqu’à 7 ans vivant à Maripasoula a en effet été annoncé fin 2023 par l’Agence régionale de santé, mais jusqu’à présent peu d’actions d’envergure ont été menées sur le sujet par les autorités.

Depuis janvier, les cinq associations précédemment citées ainsi que la Coordination des organisations des peuples autochtones de Guyane (Copag) sont engagées dans une action en justice contre l’État pour carence fautive dans le dossier de l’orpaillage illégal. Elles accusent l’État de ne pas remplir ses obligations en matière de lutte contre les activités minières illégales et d’impacter en conséquence « les écosystèmes du Haut-Maroni et les citoyens qui y vivent« .

Deux plaintes, l’une au pénal et l’autre devant la justice administrative, ont déjà été déposées il y a dix ans pour dénoncer le manque de moyens alloués à la lutte contre l’orpaillage illégal. Mais toutes deux ont été déboutées par la justice.

Photo de Une : pollution due à l’orpaillage illégal sur le Haut-Maroni en 2017 © Archives Guyaweb